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L'Édito

Siegel et si Paris Cinéma m’étaient contés.

L'Édito

Siegel et si Paris Cinéma m’étaient contés.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Le festival Paris Cinéma continue de briller sur nos écrans, avec cette semaine de nouvelles avant-premières et rééditions de prestige (HawksHustonMalleSchatzberg, entre autres), et la poursuite de notre cycle Don Siegel, avec 13 de ses films. Dans la Salle Club, nos sorties des précédentes semaines vivent toujours ardemment leur vie : conte cauchemardesque et esthétique de la Nuit du Chasseur, de Charles Laughton, balade romantico-fantaisiste de Midnight in Paris, de Woody Allen, et fresque New Yorkaise de Il Etait une Fois en Amérique, de Sergio Leone.

Vous plébiscitez Paris Cinéma et nous vous en remercions. Nous accueillons cette année deux sections de ce prestigieux le festival : les ressorties de l’Eté et une rétrospective Don Siegel. Chaque soir (sauf samedi), vous pourrez voir sur notre écran panoramique un grand film de répertoire réédité sur copie neuve. Mercredi, Hawks nous convie à une comédie gentiment cinglée, interprétée par Rock Hudson et Paula Prentiss, épatante gaffeuse. Le Sport Favori de l’Homme, c’est la pêche. Dommage que le héros, spécialiste en cannes et autres hameçons, déteste taquiner le goujon. Jeudi, on embarque à bord du Pequod, le baleinier du Capitaine Achab à la poursuite de Moby Dick, mythique cétacé blanc. En adaptant avec Ray Bradbury le roman fleuve (on devrait dire océan !) d’Herman Merville, John Huston a gardé l’essentiel : la vengeance, l’honneur, l’orgueil. Sublime film qui demanda deux ans de tournage et offrit à Gregory Peck l’un de ses plus grands rôles. Dans le Voleur, incarné par un Belmondo au sommet de sa forme, Louis Malle a su aller au delà de l’imagerie du gentleman cambrioleur pour composer un pamphlet politique où il tire à boulet rouge sur la bourgeoisie et sa vénalité. Photographe et future figure de prou du Nouvel Hollywood, Jerry Schatzberg faisait son entrée en cinématographie en 1970 grâce au Portrait d’une Enfant Déchue. Faye Dunaway est la vaine et gracieuse vedette de cette tragédie déconstruite, qui mêle flash back et fantasmes. Lundi à 21h, Bastian Meiresonne, journaliste à Ecrans d’Asie et spécialiste de Shohei Imamura, viendra nous présenter L’Evaporation de l’Homme, de son cinéaste favori. Dans ce film, une femme demande à une équipe de cinéma d’enquêter sur la disparition de son époux, responsable d’un vol. En tournant ce faux documentaire, Imamura brouille les pistes entre fiction et réel, et interroge sur la place, le rôle et le pouvoir de la caméra. La semaine se conclura mardi en présence de Pascal Vimenet, réalisateur et enseignant de cinéma, qui présentera la projection de Alice, film de Jan Svankmajer librement adapté de Lewis Carol. Les jouets d’Alice, jeune fille rêveuse, prennent vie et l’entraînent dans leur ronde. On connaît l’école Tchèque d’animation, issue d’une grande tradition. Les images animées se mélangent ici aux prises de vue réelles et permettent à Jan Svankmajer de réaliser un chef d’œuvre onirique, bizarre, absurde et parfois terrifiant.

Don Siegel est mort il y a 20 ans. Il était temps de sortir du purgatoire des réalisateurs ce génie de la série B, de lui ôter sa casquette de simple faiseur de scènes d’action, son paletot de cinéaste mercenaire et son uniforme d’auteur réactionnaire. Et comment mieux le faire qu’en permettant au public de revoir certains des films de ce presque inconnu, qui pourtant, tourna avec les plus grands studios et les plus grandes stars ? à commencer par Clint Eastwood, qui sait ce qu’il lui doit. Car c’est auprès de Don, ex-monteur, que Clint comprit comment filmer la violence au cinéma ; comment lui donner du sens, et pas forcément celui que l’on croit. Pour comprendre le fascinant travail de Siegel (qui, il est vrai, réalisa aussi quelques très mauvais films, mais, ceux là, on ne les montre pas), débutez donc par The Verdict, son premier long métrage réalisé en 1946, où il suit une enquête tordue dans un Londres victorien et crépusculaire. Dans l’étrange western Ca Commence à Vera Cruz, il offre un beau rôle Mitchum, et dans Les Révoltés de la Cellule 11, il donne à voir l’univers carcéral sans concession. Le film fit l’effet d’une bombe à sa sortie ! Après Invasion of the Body Snatchers, superbe œuvre fantastique où, sous couvert d’attaque extraterrestre, c’est le fascisme que l’on dénonce, puis Crime in the Street, une sorte de fureur de vivre avec le jeune Cassavetes, suivront quelques thrillers rondement menés : The Lineup, où Elie Wallach et Robert Keith incarnent deux trafiquants de drogue prêts à tout, et A Bout Portant, adapté d’une nouvelle d’Hemingway précédemment mise en scène par Siodmak. Dès lors, et même un peu avant, Siegel semble avoir trouvé sa voie : les gangsters et les flics. Il rencontre alors Clint et les deux vont faire merveille. Eastwood joue d’abord Un shérif à New York, prélude policier mais peu policé de L’Inspecteur Harry, puis le soldat nordiste perdu des Proies. Siegel continue son travail d’abattage dans le grand banditisme avec Tuez Charley Varrick (séance de samedi 20h présentée par Jean-Baptiste Thoret, critique), porté par un sublime Walter Matthau, puis opère un détour vers la Guerre Froide où Charles Bronson est un Espion de Trop. Siegel retrouvera Eastwood pour l’un de ses meilleurs films, l’Evadé d’Alcatraz, récit véridique d’une évasion, comme un écho aux révoltés de la cellule 11. Jean-Baptiste Thoret reviendra nous présenter la séance de dimanche 17h30.
Voilà : beaucoup de films, dont quelques rares merveilles.

Merci d’aller au cinéma et belle semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action