Scroll down
L'Édito

Robert, Gatsby, John et Asghar.

L'Édito

Robert, Gatsby, John et Asghar.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Robert, c’est Redford et vous le connaissez. Il est le merveilleux Great Gatsby, incarnation du héros de Fitzgerald dans le film de Jack Clayton, et aussi vedette incontestée et incontestable du Cycle Robert Redford que nous avons initié depuis quelques semaines. Il est rejoint par le cycle d’un autre monstre sacré du Nouvel Hollywood, John Cassavetes, dont nous vous proposons de ré-explorer l’œuvre. On ne s’en lasse pas. Et en Asghar, vous aurez reconnu Farhadi, talentueux réalisateur d’Une Séparation et du Passé, qui permit à Bérénice Béjo d’ajouter un Prix d’Interprétation Cannois à sa collection de trophées. Le Ciné-Club Positif met le cinéaste iranien en lumière en nous proposant de voir ou revoir la Fête du Feu.

La Fête du Feu est un un film peu connu d’Asghar Farhadi, réalisé en 2006, soit 3 ans avant son premier succès (A Propos d’Elly). L’action se déroule dans un immeuble de Téhéran, où l’on prépare le nouvel an local, qui se tient le 31 mars. Une femme de ménage se retrouve, à son corps défendant, au cœur d’une crise conjugale qu’elle va tenter de résoudre. Et ce n’est pas simple. Déjà repéré pour son film précédent (Les Enfants de Belle Ville), Farhadi affinait ici son style, alternance de longs plans superbement composés et d’accélération du rythme. Ses films sont aussi un témoignage de la vie au pays des Mollahsn, et de la liberté qui, malgré tout, tente de percer. Après la projection de mardi à 20h, Dominique Martinez, rédactrice de la revue Positif, viendra animer le débat et nous donner quelques clés pour mieux cerner le cinéma de ce jeune (41 ans) mais déjà grand réalisateur.

Comme la femme de ménage de Farhadi, John Cassavetes affronte la crise de couple, qui est l’un des moteurs de son cinéma. Après avoir connu le succès comme acteur de télévision (Johnny Staccato) puis de cinéma, notamment pour Don Siegel, Cassavetes se saisit d’une caméra et ne la lâchera plus. Avec sa bande de potes venus du théâtre (Peter Falk, Ben Gazzara) et surtout sa femme, la géniale Gena Rowlands, il invente une nouvelle façon de filmer, radicalement indépendante, souvent à base d’improvisation et très inspirée de la Nouvelle Vague française. Il porte la caméra au plus près des acteurs, cherchant la vérité d’une émotion, la lueur d’un regard, la cruauté d’une larme. On retrouve cette veine dans son premier film, Shadows, un presque documentaire expérimental sur la vie nocturne et la discrimination dans le New York de 1959. Remarqué, Cassavetes repart à Hollywood, où il dirige deux autres films plus « classiques », avant de revenir à ses fondamentaux et à quelque chose de plus personnel. Faces est l’histoire d’un couple dans la tourmente et marque définitivement le territoire de Cassavetes. Qui inclut les difficultés : 6 mois de tournage et 3 ans de montage ! Ces problèmes conduisent John à reprendre du service en tant qu’acteur, mais il ne renonce pas à filmer. Malgré le succès inespéré de Faces (sélection à la Mostra et aux Oscar), Cassavetes poursuit dans la douleur et la liberté, avec Husbands puis Une Femme sous Influence, dont le financement chaotique amène John et Gena à hypothéquer leur maison. Nouveau succès, en 1974, notamment pour Mademoiselle Rowlands. Ouf. La belle équipe poursuit avec Meurtre d’un Bookmaker Chinois, un  polar allégorique qui ne marche pas bien. Le couple autofinance donc Opening Night, superbe portrait d’une actrice vieillissante. Puis Cassavetes fait une entorse à sa farouche indépendance et accepte d’écrire Gloria pour la MGM. Il réalisera lui-même ce grand film où une dame libre prend les armes pour défendre un gamin face à la mafia. Gloria permet au couple de renouer avec le succès (Lion d’Or à Venise) et même de conquérir un nouveau public. Cassavetes retourne ensuite vers le théâtre, mettant en scène plusieurs pièces, avant d’en adapter une à l’écran en 1984. Ce sera Love Streams, l’un des plus beaux films d’amour de l’histoire du cinéma, pour lequel il parviendra à garder le « final cut » face au producteur Menahen Golan de chez Cannon, qui n’était pas spécialement réputé pour défendre les auteurs. La vie à fleur de peau, les tensions, l’alcool aussi, avait usé Cassavetes. Pourtant malade, il accepte de tourner un dernier film (Big Trouble), et meurt en 1989, à la veille de ses soixante ans. Il nous manque.

Ouvrons le paragraphe Robert Redford, sublime en Gatsby, de Jack Clayton, et, de manière générale, toujours impeccable. Acteur fétiche du grand Sydney Pollack (Les Trois Jours du CondorPropriété InterditeJeremiah Johnson), il a aussi tourné avec Georges Roy Hill l’immense Butch Cassidy et le Kid aux côtés de Paul Newman, avec Rod Lurie (Le Dernier Château), Michael Ritchie (Votez McKay), Barry Levison (Le Meilleur), Adrian Lyne (Proposition Indécente) et Tony Scott (Spy Game). La liste n’est évidemment pas exhaustive puisque Redford est à l’affiche d’une cinquantaine de films, mais la sélection est bonne.

Deux westerns pour finir. Un marginal saignant, Django Unchained, de Tarantino, et un classique avec héros solitaire, L’Homme des Vallées Perdues, de George Stevens, que nous propose l’Enfance de l’Art, dimanche à 14h.
Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action