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L'Édito

Gare au Garrel

L'Édito

Gare au Garrel

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Hé oui ! Il faut s’en méfier de ce cinéaste libre, secret et essentiel dont chaque film prend à contre pied les spectateurs, pour leur plus grand plaisir. Réalisateur radical et exigeant, Philippe Garrel filme comme personne, imprimant à chacune de ses œuvres une tonalité : la sienne. Le Grand Action est très heureux – au mépris le plus total de sa programmation habituelle, mais le cinéma n’est-il pas qu’une affaire de passion ? – de sortir, le 28 septembre prochain, le dernier Philippe Garrel : Un Eté Brûlant. Et, en attendant, de vous inviter à une rétrospective de sa carrière avec pas moins de 15 films en deux semaines. Mais si Garrel est à l’honneur, d’autres films poursuivent leur carrière sur nos écrans, à commencer par Les Contes de la Nuit, dernier opus de Michel Ocelot, une pure merveille de poésie animée en 3D. L’on pourra aussi voir l’étrange amour adolescent londonien de Deep End, de Jerzy Skolimowski, les derniers feux de nos gangsters du cycle Il était une Fois la Pègre, et une brève histoire des Noirs dans le Cinéma Américain : des films qui racontent la musique, l’émancipation et la récente reconnaissance des Afro-Américains à l’écran.

Fils et père de comédiens (le très regretté Maurice, et les très talentueux Louis et Esther), Philippe Garrel est aussi enfant de Godard, de Marker, de la Nouvelle Vague, du Velvet Underground, de la contestation et des désillusions des années 60. En 1967, dès son premier long métrage, Marie Pour Mémoire, l’amour passionné de deux adolescents qui se heurte à une société désespérante, il met en œuvre son anticonformisme. Présenté en première partie, Les Enfants Désaccordés, un précédent court-métrage évoquait déjà l’errance et la perte, deux thèmes que l’on retrouve souvent dans le cinéma de Garrel. Avec le Lit de la Vierge, il signe un étrange objet filmique, religieux et politique, qui joue avec les clés du christianisme et rêves mort-nés de la révolution. La Cicatrice Intérieure, où il partage l’affiche avec Nico, l’icône warholienne, marque un renoncement au narratif qui fait de ce film culte un joyau étrange du cinéma. Au tournant des années 80, Garrel conquiert enfin la reconnaissance publique avec L’Enfant Secret, qui obtient le Prix jean Vigo. Entre cinéma intime, autobiographie et critique sociale, les déchirements de la famille à l’écran sont ceux d’une génération. Petit saut de près de 20 ans dans la carrière de Garrel (la suite la semaine prochaine), pour Sauvage Innocence, ou le paradoxe d’un réalisateur veuf de l’héroïne, contraint de trafiquer pour financer un film anti-drogue qui doit rendre hommage à son épouse morte d’une overdose. Quatre ans plus tard, Philippe fait jouer à Louis, son fils, un double de lui même et de ses illusions opiacées dans Les Amants réguliers. Cette triste romance soixante-huitarde, extraordinairement touchante, récoltera un Lion d’Argent, le Prix Louis Deluc et le César de l’espoir pour Louis. Rien que ça ! Louis sera aussi à l’affiche de La Frontière de l’Aube, un conte moderne à la beauté perverse, où il interprète un photographe tombant amoureux de la star qu’il venait shooter, la belle Laura Smet. Troublant, comme tout le cinéma de Garrel.

Mais voyons aussi le reste de notre programme, avec des Noirs et des Truands. Les Noirs, ce sont ceux qui ont fait le cinéma américain : Eddie Murphy dans Un Fauteuil pour Deux, Denzel Washington en American Gangster, Samuel L. Jackson, Halle Berry, Wesley Snipes dans Jungle Fever, Morgan Freeman dans Miss Daisy et son Chauffeur, Sydney Poitier dans Devine qui Vient Diner, Forest Whitaker en Charlie Parker dans Bird, ou Will Smith dans Ali. Ce biobic du tumultueux et génial boxeur nous permet un lien avec les vedettes de l’émancipation. La Nuit des Morts Vivants, cultissime film d’horreur de Romero, dont le héros est interprété par un Noir, Duane Jones. Impensable en cette fin des 60’s ! Même idée de révolte dans La Rage au Cœur, de Charles Burnet, cinéaste plus rageur encore que Spike Lee, Loin du Paradis, où Todd Haynes tire à boulets rouges sur le raciste du rêve américain, et même Le Diable en Robe Bleue, polar « all black » avec Denzel Washington. Deux autres films, diamétralement opposés mais servant le même combat, complètent le cycle. Version classique, ce sera le plaidoyer de Mulligan, Du Silence et des Ombres ; version trash, ce sera le Boulevard de la Mort, un film « Grindhouse » totalement cinglé de Tarantino.

Halte au feu pour les tueurs de notre cycle sur la pègre, qui iront flinguer ailleurs la semaine prochaine. Dernière chance de voir la grandiose fresque de Leone, Il Etait une Fois en Amérique, le film noir de Polonsky, L’Enfer de la Corruption, la traque de The Hit, et les déchirements familiaux de La Nuit nous Appartient ou de The Yards. Dernière séance aussi pour Marilyn, les musiciens travestis et les gangsters vintage de Certains l’Aiment Chaud.
Et puis, avec l’Enfance de l’Art, dimanche à 14h, nous Chantons sous la Pluie. Du bonheur en technicolor, en musique, en danse et en comédie signé Donen et Kelly. Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action