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L'Édito

Après le festival.

L'Édito

Après le festival.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Le Festival Paris Cinéma a replié son barnum, ses soirées, ses rééditions, ses invités. Comme toujours après une fête, il faut enchaîner. Et parfois, il est bon de revenir aux fondamentaux : ceux de cinéastes qui nous ont fait – et nous font toujours – rêver. Nous retrouvons donc Robert Redford en Great Gatsby, meilleure adaptation du roman de Fitzgerald signée Jack Clayton, et Jamie Foxx en Django Unchained, de Tarantino. Retour aussi de notre cycle John Cassavetes, rejoint en ce début d’été (enfin) par un autre génie de la caméra venu du lointain Japon. Le Cycle Akira Kurosawa, immense cinéaste que nous n’avions pas encore eu l’occasion d’honorer, va nous emmener très loin, et se poursuivre tout le mois de juillet. 

Né en 1910 d’un gymnaste militaire descendant de samouraï, le jeune Akira Kurosawa trouve dans la peinture une issue à sa scolarité médiocre. Il suit les cours de l’école de Beaux-Arts de Doshusha, puis gagne modestement sa vie dans illustration culinaire. En 1936, il tente sa chance pour intégrer, en tant qu’assistant-réalisateur, ce qui deviendra Toho, l’un des plus grands studios de cinéma du Japon. Sa dissertation ironique sur les « lacunes du cinéma japonais » lui ouvre les portes des plateaux et le font repérer par Kajiro Yamamoto qui le prend sous son aile. Akira fait vite preuves d’un grand talent et remplace même parfois au pied levé son glorieux ainé. Appliquant le tuyau de Yamamoto (un bon réalisateur doit d’abord être un excellent scénariste), Kurosawa écrit avant de pouvoir réaliser son premier film en 1943 (la Légende du Grand Judo) où, déjà, il exalte les vertus du petit peuple face à l’arrogance des puissants. En cette période de guerre, il doit faire face à la censure, avant d’affronter les difficultés de l’après-guerre. Sensible aux idéaux démocratiques, il construit son discours et trouve ses influences : Shakespeare, Dostoïevski, Gorki et Simenon. Son cinéma parlera de conflits internes et externes : oppositions des milieux sociaux, sentiments contraires des individus, paradoxes des sentiments. Dans ses années d’apprentissage, il trouve aussi ce qui lui manquait dans la peinture : le mouvement. A la fin des années 40, l’on parle de plus en plus de ce jeune cinéaste surdoué qui rencontre bientôt son double devant la caméra : Toshiro Mifune. Ils ne se quitteront plus et l’acteur est à l’affiche de plus de 15 films de Kurosawa. Il joue L’Ange Ivre, voyou malade, blessé et fataliste qu’essaie en vain de soigner un médecin alcoolique, puis le détective qui se fait voler son arme par un Chien Enragé meurtrier. Ce film est célèbre pour une séquence muette et quasi documentaire : le réalisateur alterne la fiction de Mifune cherchant son flingue, avec des plans de Tokyo ravagé par la guerre. Rashomon (Lion d’Or à Venise en 1950) lui fait conquérir un public international, qui découvre par la même occasion le cinéma japonais. Le succès se poursuit avec Les 7 Samouraïs (1953), mais Kurosawa filme aussi le présent et, avec Vivre dans la Peur (1955) évoque la terreur du nucléaire dont son pays n’a pas fini de souffrir. Après l’immense succès de La Forteresse Cachée, histoire de guerre dans le Japon médiéval qui aurait inspiré Lucas pour Star Wars, il fonde sa société de production en s’adossant à Toho. Plus libre, il laisse courir son esprit critique pour pourfendre l’économie et la politique nippones dans Les Salauds dorment en Paix, retourne filmer des samouraïs sans maîtres (les rônins) dans Sanjuro, et dénonce l’odieux crime du kidnapping dans Entre le Ciel et l’Enfer. Fort de ses succès, au fait de sa gloire en ce milieu des années 60, Kurosawa va aller tenter sa chance à Hollywood. Suite de l’histoire la semaine prochaine, où l’on vous proposera également de voir d’autres films de ce maître incontesté.

Entre Kurosawa et Cassavetes, notre cœur balance. Des styles, deux façons d’imaginer, de penser, de faire des films. Deux preuves, parmi des centaines d’autres, que le cinéma est un art protéiforme et d’une infinie richesse. Il n’y a aucun samouraï dans le monde de Cassavetes. En revanche, dans le monde de Cassavetes, comme dans celui de Kurosawa, il y a des êtres humains qui se battent contre leur destin. Les jeunes discriminés de Shadows, les couples dans la tourmente de Faces ou d’Une Femme sous Influence, le patron de cabaret qui doit s’acquitter du Meurtre d’un Bookmaker Chinois, l’actrice angoissée d’Opening NightGloria la juste flingueuse, ou le frère et la sœur de Love Streams, tous se battent ; contre la vie, contre les autres, et surtout contre eux-mêmes. En cela, les cinémas de Kuro et Cassa se ressemblent.

Sur cet audacieux raccourci, concluons avec L’Enfance de l’Art qui célèbre La Colline aux Coquelicots, d’un autre cinéaste Japonais, Goro Miyazaki, fils du célèbre Hayao. 

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.

PS : Jeudi soir à 20h, Témi Lopez vous invite à venir voir le teaser de son prochain film : La théorie du tout, une comédie loufoque dans laquelle nous retrouverons notamment Emma de Caunes. 12 minutes pour juger et lui donner un avis, qu’il sera ravi d’entendre

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.