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L'Édito

Voilà l’été.

L'Édito

Voilà l’été.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Cet été, nous ferons tourner Le Congrès, stupéfiant film d’Ari Folman et notre Cycle Akira Kurosawa (qui passe à 14 films), plus quelques autres stars : GatsbyDjango et John Cassavetes cette semaine. Au mitan de l’été, quelques nouveautés et un cycle Alfred Hitchcock. On y revient plus loin.

Depuis la semaine dernière, nous projetons un film cannois, Le Congrès, où Ari Folman prouve que non content d’être un grand animateur, il est aussi un excellent directeur d’acteurs. Il offre à Harvey Keitel un rôle magnifique et vient chercher les émotions au plus près du beau visage de Robin Wright, que les studios trouvent trop vieille. Par la voix d’un producteur libidineux, ils lui proposent un deal simple : on te scanne pour te faire tourner ce qu’on veut, et tu disparais. Un peu has been et chargée de famille, Robin (dans son propre rôle) accepte d’être transformée en pixels. Puis cette forme moderne de pacte faustien devient monde animé  par le truchement de puissantes drogues que l’on inhale. Comme dirait une amie férue de Goethe et de psychanalyse, « ce qui est faux se tient ». Et nous voilà projetés dans un univers psychédélique fantasmé, où chacun joue l’avatar qu’il s’est choisi, prenant l’apparence de son idole : Gandhi, Elvis, Ali, Marilyn ou Ganesh. Fort du succès de Valse avec Bachir, Ari Folman prend toutes les libertés pour inventer son Meilleur des Mondes, au risque parfois de dérouter le spectateur. Mais il réalise avec Le Congrès un festival visuel, symbolique et philosophique qui interroge notre époque.

Comme nous vous l’avions promis il y a 15 jours,  l’arrivée de 7 nouveaux films du maître Japonais nous donne l’occasion de poursuivre la brève biographie de Kurosawa. Rappelons qu’il débute en 1943 avec la Légende du Grand Judo, une ode au peuple quasi marxiste, dont, malgré la censure, il fera une suite deux ans plus tard (la Nouvelle Légende du Grand Judo). En 1948, il rencontre son double à l’écran, Toshiro Mifune, qu’il fait tourner dans L’Ange IvreLe Chien EnragéVivre dans la Peur, puis dans une adaptation de Macbeth, Le Château de l’Araignée. Toshiro se fait samouraï dans La Forteresse Cachée et Sanjuro et homme moderne dans Les Salauds dorment en Paix et Entre le Ciel et l’Enfer. Mais c’est en Barberousse, surnom d’un médecin revêche et humaniste inspiré par un roman de Dostoïevski, que l’acteur et le réalisateur atteignent un sommet de la gloire. Au milieu des années 60, Kurosawa tente l’exil à Hollywood. Mais la greffe ne prend pas, et après quelques échecs à gros budget, il réalise rapidement Dodes’Kaden afin de prouver qu’il n’a rien perdu de son talent pour filmer la misère du monde. Elle le rattrape d’ailleurs en décembre 1971 où il tente de mettre fin à ses jours. Deux ans plus tard, remis sur pied, il part en Sibérie pour adapter un roman russe, Dersu Uzala. Cette histoire d’harmonie avec la nature lui permet de renouer avec le succès. Georges Lucas, qui s’est inspiré de La Forteresse Cachée pour imaginer Star Wars, et Coppola, un autre grand admirateur du maître, le convainquent de revenir en Amérique. Avec un budget californien, il retrouve le Japon médiéval des Samouraïs pour Kagemuscha, qui rafle la Palme d’Or et un triomphe mondial. Kurosawa enchaîne sereinement dans la même veine avec une adaptation nippone du Roi Lear : Ran. Peu après la sortie de ce film, qu’il considérait comme le plus réussi de sa carrière, Yoko, sa femme et sa complice depuis 1945, meurt. Dès lors, la magie semble brisée. Kurosawa tourne encore quelques films mineurs, puis se casse la colonne vertébrale et rejoint Yoko en 1998, à l’âge de 88 ans.

Si Le Congrès et Kurosawa vont rester à l’affiche une bonne partie de l’été, notre Cycle John Cassavetes la quittera la semaine prochaine. Si tant est que Cassavetes soit remplaçable, à sa place, nous verrons Enquête sur une Passion, un thriller psychologique réalisé par Nicolas Roeg en 1980, avec Art Garfunkel et Harvey Keitel. L’on connaît le style expérimental de ce réalisateur britannique étonnant, qui aime déconstruire ses histoires pour leur donner une autre dimension. Dans le genre britannique qui casse les codes, Sir Alfred Hitchcock est la référence absolue. A partir du 14 août, nous le recevrons avec la déférence due à son rang et un cycle de 19 films ! 19 bijoux de suspense et de tension malicieuse, pour annoncer la ressortie sur copie neuve et restaurée de L’Homme qui en Savait Trop, version 1934. On précise car il en fit un remake 22 ans plus tard.

Avant de vous souhaiter de bonnes vacances, ou de bonnes projections au Grand Action (qui profite de l’été pour faire peau neuve mais reste ouvert tous les jours de 14h à minuit), un mot sur L’Enfance de l’Art et Blanche Neige et les Sept Nains, de Disney. Pour les dimanches suivants, consultez notre site.
Car notre lettre marque une pause. On essayera de vous envoyer une carte postale d’Amérique, et rendez-vous le 20 août.

Bel Eté,

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action