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L'Édito

Queen of…

L'Édito

Queen of…

Chères spectatrices, chers spectateurs,
En préambule à cette lettre et qui n’a rien à voir avec elle, si ce n’est son titre, petit hommage tendre et respectueux à la mémoire de Solveig Anspach, réalisatrice islando-montreuilloise de Queen of Montreuil (entre autres), qui nous a quittés cet été. On était bien tristes.

Mais nous sommes contents de vous proposer Queen of Earth, le nouveau film d’Alex Ross Perry, héritier accessible du Mumblecore, ce courant aussi intéressant que marginal du cinéma contemporain que nous vous avons fait découvrir lors d’un récent festival. Egalement au programme, Sweetie, la Queen of Australia déjantée imaginée par Jane Campion, les Kings du trafic de French Connection et les rois de la piste de Sorcerer, deux films majeurs de William Friedkin, ainsi que le prince de l’ouest, alias James Cagney dans À l’Ombre des Potences, de Nic Ray. Et toujours une séance pour Le Complexe de la Salamandre, formidable documentaire sur l’artiste Patrick Neu.

Fervent lecteur de Thomas Pynchon et Philip Roth, Alex Ross Perry ne craint pas d’ausculter ni les noirceurs ni les folies de l’âme humaine. Catherine, l’héroïne de Queen of Earth, son nouveau film, se met au vert dans une maison de campagne avec quelques amis qui ne l’empêcheront pas de sombrer dans une impressionnante dépression. Pour son quatrième film, Alex retrouve l’actrice du précédent (Listen Up Philip), Catherine Moss, rendue célèbre pour ses rôles dans les séries Mad Men et Top of the Lake. Elle donne là une performance émotionnellement remarquable, bien servie par le 16 mm délicatement éclairé par le chef-op Sean Price Williams et l’angoissante musique de Keegan De Witt. Avec Queen of Earth, pourtant tourné d’une seule traite en 2 semaines dans un lieu unique, Alex Ross Perry rompt avec le relâchement esthétique propre au Mumblecore, cette école cinématographique radicale dont il est issu, comme une grande partie de son équipe. On pense plus au Woody Allen introspectif de Interiors, ou à Cassavetes pour sa façon de capter au plus près l’énergie de ses actrices. Un film sophistiqué donc, et un cinéma exigeant que nous sommes fiers de défendre.
Quelques lignes plus haut, nous évoquions Top of the Lake, remarquable série conçue par Jane Campion. Mais pour devenir showrunner à succès, la réalisatrice est passée par le cinéma – avec le même succès comme en témoigne sa Palme d’Or pour La Leçon de Piano. Quelques années avant cette consécration, elle débutait dans le long-métrage avec Sweetie, que nous vous proposons de revoir sur copie neuve. Sweetie, c’est la sœur de Kay. Si la seconde est coincée dans ses névroses et sa petite vie, la première refuse de se laisser enfermer dans son physique pas facile, et a renoncé aux conventions. Parfaitement libre, dans son corps comme dans sa tête, Sweetie bouscule tout sur son passage, à commencer par Kay. Un film top pêchu pour la rentrée.

Deux rescapés de notre cycle William Friedkin poursuivent donc leur carrière, et bien sûr sur copie neuve. D’abord French Connection, l’enquête de Popeye Doyle, alias Gene Hackman, sur la pègre marseillaise des années 70, et Sorcerer, traumatisant hommage au Salaire de la peur de Clouzot. Film maudit, tourné dans des conditions apocalyptique en pleine jungle, le film fit un bide à cause d’un vrai coup de malchance : il sortit la même semaine que le premier Star Wars qui balaya tout sur son passage. Comme le prochain opus de la guerre galactique est prévu pour la fin de l’année, vous avez la force avec vous pour ce voyage au cœur de la peur, à bord du camion Sorcerer, piloté par Bruno Cremer.
Encore une séance pour le western de Nicholas Ray, À l’Ombre des Potences, et une pour Le Complexe de la Salamandre, formidable documentaire sur l’artiste Patrick Neu de Serge Steyer et Stéphane Manchematin. Et puis bien sûr une séance dominicale pour l’Enfance de l’Art, qui nous conduit dans une forêt tropicale beaucoup plus riante que celle de Sorcerer. Avec Le Livre de la Jungle, chef d’œuvre Disney réalisé par Wolfgang Reitherman d’après Rudyard Kipling, il en faut très peu, vraiment très peu, pour être heureux.

Heureuse semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.