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L'Édito

Les loups sont entrés dans Wall Street (ils y sont toujours).

L'Édito

Les loups sont entrés dans Wall Street (ils y sont toujours).


Chères spectatrices, chers spectateurs,
Pour bien commencer cette nouvelle année qui, à n’en pas douter, sera heureuse, fructueuse et joyeuse (c’est ce que l’on vous souhaite), venez donc prendre 3 heures de grand délire scorsesien avec Le Loup de Wall Street, incroyablement incarné par Léonardo DiCaprio. Vous pourrez en profiter pour réviser vos classiques grâce au Cycle Martin Scorsese que nous vous proposons. Voilà de quoi bien débuter 2014.

Il était une fois… Non, on ne peut pas entamer l’évocation du Le Loup de Wall Street par cette formule. Car s’il s’agit d’un conte, c’est celui de la folie extraordinaire de l’argent pour l’argent. Il est devenu le roi, en cette fin de décennie 80, quand l’économie s’est rendue compte qu’elle n’avait qu’à s’absoudre du réel pour devenir encore plus lucrative. Et perverse. La citrouille de l’économie se transforma donc en carrosse de la finance, à bord duquel prirent place tous les voyageurs de l’excès. Jordan Belford fut parmi les premiers à monter à bord. Jeune broker initié à la vacuité non-sensique de la bourse et aux montagnes de dollars que l’on peut en tirer si l’on est dénué de toute morale, il dépassa les espérances de son magnétique mentor, Matthew McConaughey dans le film, qui fait une courte mais mémorable apparition. A force d’excès – de dollars, de magouilles, de dope, de filles, de fêtes – Jordan finit par se faire repérer par le FBI. Et à chuter. Fidèle à ses principes et à ses thèmes, Scorsese reprend ici la structure des Affranchis : l’ascension et la chute d’un ambitieux, contraint de devenir une balance. Si les histoires se ressemblent, les cadres diffèrent. Exit les maffieux à l’ancienne de Little Italy ; les nouveaux gangsters hantent un autre quartier de Manhattan et, s’ils sont moins sanguinaires, ils n’en demeurent par moins nocifs, nuisibles et grotesques, à l’image de Jonah Hill, transfuge des comédies déjantées de Judd Apatow, reconverti en pathétique patte droite du Le Loup de Wall Street. Léo DiCaprio est absolument formidable en chef d’une meute d’abrutis dont la vénalité est l’unique qualité humaine. Il tient le film sur les trois heures, se livrant même à quelques moments stupéfiants, comme celui où après en avoir ingurgité de très puissants (des stupéfiants), il perd la mobilité. Et le réalisateur, en gros malin, nous donne deux versions de la même scène : avec ou sans produit. C’est aussi ça la virtuosité.

Mais Scorsese n’a pas attendu d’éreinter les Loups de Wall Street pour faire preuve de virtuosité.  Il a commencé tôt à décliner son savoir-faire et ses thèmes, dès même Bertha Boxcar, son premier « vrai » film (c’est à dire produit par une major), où il suit une sanglante errance dans l’Amérique de la Grande Dépression. La rencontre avec son premier alter ego, Robert de Niro, allait lui apporter la reconnaissance internationale. Après Mean Streets et surtout la Palme de Taxi Driver, Scorsese lui offre trois sublimes compositions, moins connues que les précédentes et que nous sommes heureux de vous proposer de revoir : De Niro est d’abord Jimmy Doyle, jazzman déjanté de New York New York où il œuvre aux côtés de la sublime Liza Minelli, puis Jake LaMotta, le boxeur amoureux et pathétique du grandiose Raging Bull,  avant d’endosser le costume à paillettes de Rupert Pupkin, l’amuseur excité et prêt à tout de la Valse des Pantins, qui enlève son présentateur favori, incarné par Jerry Lewis, pour connaître son quart d’heure warholien. Les deux complices se retrouveront pour Les Affranchis, le pendant maffieux du Loup. Notre cycle fait aussi un détour A Tombeau Ouvert, en compagnie de l’ambulancier Nicolas Cage qui tente de “ressusciter les morts“ (Bringing Out the Deads, le titre original), par Les Infiltrés, un polar serré et noir, remake de Infernal Affairs où, aux côtés de Léonardo DiCaprio, on peut aussi voir Matt Damon, Mark Wahlberg et Jack Nicholson, et par la féérie d’Hugo Cabret, hommage vibrant que Martin rend à Méliès.
Voilà qui nous promet quelque bonheur pour prolonger les jours de fête ! Et comme le hasard fait bien les choses, l’Enfance de l’Art nous propose justement Jour de Fête, où le facteur Jacques Tati bouleverse son village « à l’américaine ». Toujours un régal.

Bon début 2014.