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L'Édito

Les Monstres sacrés

Chères spectatrices, chers spectateurs,
S’il y a bien un cinéaste qui a passé toute sa carrière à affronter les éléments déchaînés, c’est bien l’allemand Werner Herzog. Alors que son dernier film, La Grotte des rêves perdus passera sur les écrans du Grand Action prochainement, nous vous proposons cette semaine un aperçu de l’œuvre pléthorique de ce cinéaste, adulé et secret. Quatre films, pour une carrière qui s’étale sur plus de 40 ans, on ne fait pas dans l’exhaustif, mais dans le précis. Quand on parle de précision, parlons de Positif. Pour le Club Positif de ce mois-ci Adrien Gombeaud, rédacteur de la revue, viendra présenter Vous ne l’emporterez pas avec vous de Frank Capra, mardi soir à 20h. Fable sociale sur l’Amérique des années folles, mais qui soyez en sûr ne manquera pas de faire écho à notre actualité morose, Capra s’appuie sur un casting flamboyant (James Stewart, Lionel Barrymore, Jean Arthur), pour dresser un portrait au vitriol de la « haute » et ses dérives, tout en n’oubliant en pas de faire fonctionner les zygomatiques à plein régime. Réservez votre soirée, et n’oubliez pas le frac et haut de forme réglementaire !

Si Achab passa sa vie à chasser la baleine, Timothy Treadwell passa lui sa vie avec les grizzlys. Et sa vie (et comment elle s’est achevée brutalement) c’est justement le sujet de Grizzly Man de Werner Herzog, documentaire réalisé en 2005. Herzog, fasciné par ce qui pousse l’Homme à repousser ses limites, avait déjà été plus loin que tous. C’était en 1972, durant six semaines quelque part dans la jungle péruvienne. De ces six semaines il nous reste Aguirre, ou la colère de Dieu, brûlot surpuissant, certainement un des films les plus fou du Nouveau cinéma allemand. Klaus Kinski devant la caméra, et la jungle tout autours. Kinski encore, pour une nouvelle bravade : un remake d’un film de Murnau. Encore une fois il faut être Werner Herzog pour oser un tel sacrilège ! Nosferatu, fantôme de la nuit est pourtant peut être l’un des films les plus calme et beau de son auteur. Il sera projeté exceptionnellement en version française, mais pas d’inquiétude puisque Klaus Kinski, Isabelle Adjani, Bruno Gans et Roland Topor ont eux-mêmes assuré le doublage de leurs personnages. Remake encore avec Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans, et encore une fois résultat on ne peut plus éloigné de l’original, le film de Ferrara. A part le nom, il est peu aisé de trouver des éléments communs. On aura l’impression de retrouver Herzog sur des chemins beaucoup plus balisés, celui du polar à l’américaine, mais très vite le talent du réalisateur iconoclaste va faire dérailler le film du tout venant hollywoodien pour l’emmener loin, très loin, là où peu d’homme ont osé s’aventurer, là où Herzog à depuis longtemps établi sa résidence.

Dans la catégorie des monstres sacrés, Moby Dick n’est pas en reste : John Huston, Herman Melville, Orson Welles, Gregory Peck. Chasseur chassé, Achab mène son bateau à la poursuite du cachalot blanc, sans penser au retour. Et il faut bien deux cycles pour soutenir un tel monstre, alors on continue d’explorer la filmographie de John Huston avec Key LargoLe faucon maltaisL’homme qui voulut être roiGriffes jaunesQuand la ville dortLa nuit de l’iguaneGens de DublinReflets dans un œil d’or. Mais n’oublions pas le principal dans Moby Dick : la mer et ses dangers ! Périls en mer donc avec Master & commander de Peter Weir, fresque sur les guerres maritimes opposant les anglais (avec à leur tête Russel Crowe) à l’armée napoléonienne. Pirate au grand cœur chez Henry King avec le Cygne noir, ou pirate d’opérette chez Minnelli dans Le pirate, choisissez votre camp ! Après un détour par les Terres Froides des Vikings de Richard Fleischer, retour à la terre ferme, avec le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau. Catherine Deneuve et Yves Montand vont nous balader entre Le Venezuela, les Bahamas, les îles Vierges et New York, le tout sur une copie neuve numérique 2K, tout comme Deep End de Jerzy Skolimowski, toujours projeté le dimanche après-midi, et même si l’on y voyage moins que chez Rappeneau, comment résister aux charmes de la jeunesse ? Enfin si l’hiver approche, il reste néanmoins de fascinantes braises au cœur d’Un été brulant de Philippe Garrel, où Monica Bellucci, Louis Garrel, Céline Salette et Jérôme Robart soufflent le chaud et le froid, s’engueulent et s’aiment. Terminons sur une note plus légère mais pas secondaire, puisque il s’agit de parler de l’Enfance de l’Art : cette semaine nous projetterons Le chat du Rabbin de Joann Sfar, film d’animation adapté de la bande-dessinée du même auteur.
Excellente semaine,

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action