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L'Édito

Tonton Huston.

L'Édito

Tonton Huston.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
La vedette de ces vacances est un grand mammifère marin de couleur blanche que traque un Capitaine à la jambe de bois. Un immense classique, magnifiquement restauré, à voir en famille. L’autre vedette est bien sûr le réalisateur de cette superbe adaptation hollywoodienne de Moby Dick, d’Herman Melville. John Huston, comme Lang, Hitchcock, Welles, Ford, DeMille, Capra, Wilder, Walsh ou Hawks (on pourrait en citer d’autres) fait partie de ces oncles d’Amérique que partagent tous les cinéphiles. Il était donc bien naturel que nous lui rendions un hommage appuyé en une douzaine de films. Mais ce bon vieux John partage l’affiche avec  L’Eté Brûlant, dernier film de Philippe Garrel, et Montparnasse 19, le « biopic », comme on ne disait pas encore à l’époque, que Jacques Becker consacra à Modigliani, interprété par un Gérard Philipe au sommet de son art. Ceux qui étaient dans notre salle mardi dernier ont écouté avec respect Anouk Aimée, venue nous présenter ce film dans le cadre d’un émouvant Club Positif. Qu’elle soit ici remerciée de sa présence.

Quel étrange bonhomme que ce John Huston. Fils d’un écrivain et d’un comédien aventurier irlandais, il est brinqueballé par ses parents, auxquels il demeura fidèle jusque dans l’abus de whisky. Il abandonne vite le collège pour devenir boxeur (23 victoires sur 25 combats), s’enrôle dans la cavalerie, part étudier la peinture en France, découvre la littérature, écrit quelques romans avant d’être embauché comme scénariste par Samuel Goldwyn. Pour la MGM, il écrit notamment High Sierra, sur lequel il sympathise avec Bogart, avant de passer à la réalisation en 1941. Le bel Humphrey, avec lequel il a sympathisé, sera à l’affiche du Faucon Maltais, aux côtés de Mary Astor et Peter Lorre, dans une adaptation de Dashiell Hammett. On peut voir dans cette quête d’un trésor fantasmé une ligne commune à tout le travail de Huston (y compris dans Moby Dick). John enchaîne scénarios et films – polar serré comme In This Our Live ou film de guerre nippophobe comme Griffes Jaunes – avant de rencontrer un vrai succès public avec Le Trésor de la Sierra Madre, qui lui apporte l’Oscar du scénario et un autre, d’interprétation, pour son père. Suivent un formidable huis clos tropical, Key Largo, toujours avec Bogey et sa belle Bacall, et un sublime polar, The Asphalt Jungle (Quand la Ville Dort), où de micros incidents perturbent la belle mécanique d’un casse. Au début des années 50 Huston est devenu une valeur sûre à qui l’on n’hésite pas à confier des projets ambitieux, comme Moby Dick, chef d’œuvre qui demanda plus de plus de 4 ans pour accoucher. En même temps, c’est une baleine ! Gregory Peck, qui tient le rôle fascinant du Capitaine Achab, est fort bien entouré, notamment d’Orson Welles en pasteur du Pequod, le navire baleinier traquant le cachalot blanc. Après un western épique, Le Vent de la Plaine avec Burt Lancaster et Audrey Hepburn, il s’attaque à un autre cauchemar : Marylin sur le tournage de The Misfit, que le titre français, les Désaxés, résume assez bien. Puis, ce sera La Nuit du L’Iguane, adapté de Tennessee William avec Burton en pasteur dépravé, Reflets dans un Œil d’Or, le plus beau des mélos avec Brando et Taylor, et L’Homme qui Voulut Etre Roi, fresque aux Indes, tirée d’une nouvelle de Kipling. Juste avant sa mort en 1987, Huston retrouva ses origines irlandaises, offrit un beau cadeau à sa fille Angelica, rendit hommage à Joyce, et réalisa avec les Gens de Dublin, l’une de ses œuvres les plus personnelles.

Si Huston tient la boutique en semaine, le week-end, c’est Philippe Garrel qui brûle l’écran avec son Eté Brûlant. Nous avons déjà beaucoup écrit sur le cinéma de Garrel et sur ce dernier opus, bouleversant. Il ne vous reste que peu de temps pour venir le voir et rappelez vous que l’on a toujours tord de rater un film de Garrel. Surtout si la sublime Monica Bellucci y apparait en moderne odalisque.
Pour finir, outre Deep End de Skolimowski et Montparnasse 19, de Jacques Becker cité en début de lettre, le traditionnel mot pour l’Enfance de l’Art et L’Impossible Monsieur Bébé, un régal signé Howard Hawks.
Belle semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action