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L'Édito

Sam et Luis.

L'Édito

Sam et Luis.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Au premier regard, cette semaine s’annonce calme. Pas d’événement ni de soirée spéciale. Ce qui laisse toute la place à nos stars du moment, en l’occurrence d’immenses cinéastes que l’on ne voit que trop rarement dans les salles. Le premier, c’est Samuel Fuller, franc tireur du cinéma américain, à qui nous consacrons un cycle pour accompagner la ressortie sur copie neuve de White Dog.

L’autre, c’est le maître Luis Buñuel, surréaliste agitateur d’images, dont le Cycle comprend une grande partie de son œuvre pléthorique et internationale.

L’un des premiers plans du premier film de Buñuel, coécrit avec Dali et financé par la mère de Luis, a marqué d’une pierre tranchante l’histoire du cinéma. On y voit, alors que passe un nuage, un rasoir s’approcher d’un œil et l’ouvrir. Même dans les pires films gores, on a rarement atteint la violence du Chien Andalou. Ce plan hautement traumatisant, cauchemardesque même, allait donner le ton de toute la carrière de son auteur qui fascinera les surréalistes, bouleversera les codes et créera une œuvre exceptionnelle que nous sommes heureux de vous permettre de revoir sur l’écran d’une salle de cinéma. Notre Cycle Luis Bunuel laisse une grande place à sa période mexicaine où le réalisateur s’est réfugié après avoir travaillé en France puis aux Etats-Unis. Bouleversé par la Guerre Civile d’Espagne, il ne cache pas son opposition au Franquisme et ses sympathies Marxistes, qui lui valent de traverser précipitamment le Rio Grande au début des années 40. Grâce au soutien d’un autre immigré, le producteur d’origine russe Oscar Dancigers qui fuyait le nazisme, Buñuel tâtonne un peu (il réalise même une comédie musicale !), puis trouve sa voie. Dancigers lui suggère le sujet de Los Olvidados, sur la vie des enfants pauvres de Mexico. Le film remporte le Prix de la Mise en Scène à Cannes en 1951 et lance la carrière de Buñuel, réputé capable de tenir des délais et un budget. Suivront de nombreux films, dont Susana la PerverseDon Quintin l’AmerLes Aventures de Robinson Crusoé, Les Hauts de Hurlevent ou La Vie Criminelle d’Archibald de la Cruz. Mais, qu’il s’inspire de Daniel Defoe, d’Emilie Brontë, du Marquis de Sade, Luis conserve son style particulier mâtinée de surréalisme. Il revient en Europe au début des années 60 pour le Journal d’une Femme de Chambre et poursuit avec quelques uns de ses plus célèbres films comme Belle de JourLe Charme Discret de la Bourgeoisie ou La Voie Lactée, tous trois écrits avec Jean-Claude Carrière. Il sera aussi, en 1977, le scénariste de Cet Obscur Objet du Désir, ultime opus d’une vie bien remplie qui se terminera six ans plus tard à Mexico.

Se souvient-on que Samuel Fuller joue son propre rôle dans Pierrot le Fou ? Il faut dire que ce vieux malin de Godard (qui à l’époque était jeune) adore les références et qu’il a également fait tourner Melville et Lang dans d’autres films. Mais c’est dire aussi ce que Fuller représente pour la génération dorée de la Nouvelle Vague : un grand maître. White Dog, l’adaptation tendue du Chien Blanc de Romain Gary, peut témoigner de la virtuosité rugueuse de ce réalisateur, qui fut également journaliste, soldat (il a débarqué en Sicile et en Normandie), acteur et scénariste. Pour accompagner la ressortie sur copie neuve de White Dog, ce film incompris qui fustige le racisme par le truchement d’un pauvre chien dressé à tuer des Noirs, nous vous proposons un court cycle Samuel Fuller. L’on pourra y voir les âpres débuts du journalisme dans Violences à Park RowPolice Spéciale, un polar serré, et l’inclassable et bouleversant Shock Corridor, plongée dans la folie.  

Dernières chances de passer 1h40 dans le Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, et nouvelle séance de l’Enfance de l’Art avec Perdu ? Retrouvé !, des courts métrages pour les petits adaptés du livre d’Olivier Jeffers. Ce sera dimanche, bien sûr.
Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action