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L'Édito

Eloge de la cruauté.

L'Édito

Eloge de la cruauté.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Le cinéma est un merveilleux outil pour rêver, rire, s’évader, réfléchir, découvrir, s’émouvoir. C’est aussi un art qui permet de montrer la bêtise et la cruauté des hommes. Ainsi le White Dog de Samuel Fuller (comme d’ailleurs certains des autres films de son cycle, dont le célébrissime Shock Corridor) est dressé pour dénoncer la violence raciste de l’homme blanc. Dans Nostalgie de la Lumière, de Patricio Guzman proposé par le Ciné-Club Univers Convergents, l’horreur est enterrée sous un ciel dont on scrute les étoiles. Dans un genre souvent décalé, un autre immense cinéaste travaille sur la cruauté du monde. Le Cycle Luis Bunuel que nous inaugurons cette semaine va vous permettre de redécouvrir 17 de ses films, rarement visibles en salle, surtout en 35 mm (oui-oui, de la vraie pellicule), comme ce sera le cas au Grand Action. Voyons le détail.

On ne présente plus le Ciné-Club Univers Convergents, heureuse et intelligente initiative du mathématicien Cédric Villani, qui a choisi de nous présenter, mardi 24 à 19h30, Nostalgie de la Lumière. Dans ce très beau film chilien, Patricio Guzman nous emmène dans le désert de l’Atacama. Mais si les astronomes de tous les pays viennent y observer les étoiles, le haut plateau est aussi connu pour être la dernière demeure de centaines de victimes de Pinochet. Curieuse et cruelle rencontre de deux mondes, l’un tourné vers le ciel à la recherche de vie extraterrestre, l’autre fouillant les ténèbres pour retrouvé ses morts. A la suite de la projection, Catherine Césarsky, astrophysicienne (CEA), Joaquin Manzi, spécialiste en littérature et cinéma de l’Amérique latine, Fabienne Casoli, astronome au CNES, et Renate Sachse, productrice du film, animeront le débat.

« J’ai eu la chance de passer mon enfance au moyen-âge » disait Luis Bunuel. C’est dire à quel point l’Aragon du début du 20e siècle (il y est né en 1900) était âpre. De sa terre rocailleuse à sa scolarité chez les Jésuites et sa surdité qui le privera de devenir violoniste, le jeune Luis se fait une idée de la cruauté qu’il mettra bien souvent en scène. En attendant, il étudie à Madrid, rencontre Dali, Garcia Lorca et le mouvement Dadaïste, qui inspirera son premier film, le célébrissime Chien Andalou. Toute son œuvre porte le sceau de ce surréalisme fondateur et, selon les films, il poussera un peu plus ou un peu moins le curseur de son délire. Bunuel débute au cinéma en assistant Jean Epstein, avant d’entamer une véritable carrière internationale. Il travaille aux Etats-Unis, au Mexique (longtemps), avant de revenir en Europe, mais pas en Espagne. Car ce marxiste anticlérical n’est pas, loin sans faut, l’ami des Franquistes. Le Cycle Luis Bunuel que nous consacrons à ce grand maître, trop rarement montré au cinéma de nos jours, balaye une grande partie de sa filmographie. Nous pourrons voir les œuvres des débuts, puis ceux de sa prolifique période mexicaine (Susana la PerverseLos Olvidados, Prix de la Mise en Scène à Cannes en 1951, La Vie Criminelle d’Archibald de la Cruz, inspiré par le Marquis de Sade, l’adaptation des Hauts de Hurlevent ou d’autres moins connues comme Don Quintin l’Amer), et compléterons ce “Bunuel Tour“ par les films de la maturité du retour en Europe. Du Journal d’une Femme de Chambre, sublime lecture de Mirbeau, à l’ultime Obscur Objet du Désir, en passant par l’inoubliable fange de Deneuve dans Belle de Jour, par l’étrange Voie Lactée, et quelques autres dont vous trouverez Ici la liste, nous vous proposons une heureuse alternative au football.

30 ans après sa sortie, White Dog demeure toujours aussi mordant. Le vieux Fuller avait vu juste en adaptant Chien Blanc de Romain Gary pour dénoncer la cruauté des hommes. Le film fut incompris, mais nous, nous comprenons parfaitement le réalisateur et vous invitons à faire de même en venant revoir certains films de son cycle. Fuller a fait la guerre ; la cruauté, il l’a vue de près et elle l’a marquée pour le restant de ses jours. Et de ses films. De Violences à Park Row, où l’on s’écharpe dans la presse new yorkaise naissante, à Police Spéciale, où une prostituée tente de s’émanciper, en passant par la plongée d’un journaliste dans la folie psychiatrique de Shock Corridor, la dureté du monde effleure à chaque instant des films de Fuller. Une bonne raison pour les revoir.

Le Grand Budapest Hotel tire ses derniers feux et l’Enfance de l’Art convoque les tout-petits à voir Perdu ? Retrouvé !, des courts métrages inspirés par le best seller pour enfant d’Olivier Jeffers.
Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action