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L'Édito

Caan et Cannes.

L'Édito

Caan et Cannes.

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Pendant que le Festival de Cannes bat son plein, un festival de Caan pointe son nez. Pour saluer sa prestation Solitaire, voici quelques films où apparaît James Caan, cet acteur discret qui fut l’une des vedettes des années 70-80 et poursuit toujours sa carrière. Mais la star de la semaine, c’est bien sûr Moonrise Kingdom, film d’ouverture de la Croisette et dernière réalisation de Wes Anderson.

Wes Anderson, un homme sans doute charmant, ne doit pas être facile au quotidien. La méticulosité qui transparaît dans tous ses plans trouve forcément un prolongement dans sa vie de tous les jours. Heureusement pour ses proches (et pour nous), Wes Anderson réalise des films avec autant de rigueur maniaque que de fantaisie débridée. Et cela donne Moonrise Kingdom, dernière petite merveille de cet orfèvre du rêve ; un film débordant d’idées, de clins d’œil, de références, de pieds de nez, de contre-emplois, de surprises et de vitalité, le tout mené avec la même précision que Benjamin Britten qui dissèque un orchestre jouant du Purcell. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cette musique ouvre le film, et ne partez surtout pas avant l’écho du générique de fin. Sur la musique de Britten (et celle de Desplat, le compositeur français qui cartonne à Hollywood), Anderson impose son rythme par des mouvements de caméra aussi exacts que ceux d’une montre suisse. Dès les premiers plans, ils indiquent que nous sommes en 1965, et rien dans le décor ne le dénote : ni la maison de Suzy, ni le camp scout de Sam. Ces deux enfants « différents » s’aiment et veulent vivre leur vie. Chacun a sa manière, l’une avec romantisme, l’autre comme un véritable Castor Junior, ils ont planifié leur amour et leur fugue vers la baie de Moonrise Kingdom. Tout cela va mettre en émoi la petite communauté, des parents aux chefs scouts, en passant par la police et la dame des services sociaux. D’autant qu’un ouragan s’annonce… Avec un art consommé du contre-pied – dont la présence hilarante d’un improbable narrateur – et soutenu par un casting aussi impeccable qu’inattendu (voir l’impressionnante liste et tentez de les reconnaître), Anderson nous fait jouir de sa liberté de filmer et de sa capacité à inventer. Ses deux jeunes acteurs – Kara Hayword et Jared Gilman – sont épatants, ses cadres sont époustouflants, son film est toujours surprenant. Que du bonheur !

C’est avec Roman Coppola que Wes Anderson a écrit Moonrise Kingdom. Et comme le monde est tout petit, c’est le même Roman Coppola qui, en 1974 dans Le Parrain 2, interprétait le rôle de Sonny Corleone enfant qui, adulte, était tenu par James Caan. Quel enchaînement rêvé puisque nous vous proposons cette semaine un festival dédié à cet acteur, titulaire du rôle titre du Solitaire, premier film de cambriolage signé Michael Mann qui tient toujours l’affiche au Grand Action. Nous y verrons également les trois volets du Parrain, triple chef d’œuvre absolu de FF Coppola (et tans pis si James Caan, qui joue le fils aîné de Don Vito, n’est pas présent dans tous les épisodes pour cause de mitraillage au péage), Jardins de pierre, du même Coppola, où Caan est un héroïque vétéran du Vietnam devenu gardien désabusé de cimetière militaire, et The Yards, premier long métrage de James Gray, l’un des héritiers de Francis Ford, qui nous plonge dans les méandres des familles mafieuses contemporaines.

Autre famille, autres mœurs. Celles des héros des Chroniques Sexuelles d’une Famille d’Aujourd’hui sont plus libres mais moins meurtrières. Dans cette fiction qui emprunte certains codes au documentaire, Jean-Marc Barr et Pascal Arnold nous font vivre au plus près de l’intimité de trois générations qui partagent le même toit. C’est cru, tendre, érotique, juste, étonnant, dérangeant, bizarre, et parfois maladroit comme un première fois. Mais saluons la tentative expérimentale de parler de sexualité sans complaisance et sans pornographie, ainsi que la performance des acteurs, dont le très prometteur Mathias Melloul.

Vous vous doutiez que nous allions avoir du mal à nous séparer d’Hugo Cabret. Ça tombe bien l’Enfance de l’Art a programmé le conte de Noël de Scorsese. Ce sera mercredi et dimanche à 14h.

Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action