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L'Édito

Une fin d’année de rêves

L'Édito

Une fin d’année de rêves

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Entre rêves et fantasmes, les deux gardiens de phares que Robert Eggers installe dans The Lighthouse vivent une plongée au tréfonds de leur âme… et y entraînent les spectateurs. Plus léger, mais non moins onirique, Sherlock Junior, la dernière réédition de notre cycle Buster Keaton, est sans doute l’œuvre la plus poétique de l’homme si drôle qui ne rit jamais. Deux films en noir et blanc pour finir une année qui nous en fit voir de toutes les couleurs. D’ailleurs, certains de nos récents succès sont toujours à l’affiche.

Le héros de Sherlock Junior, interprété, of course, par Buster Keaton est un projectionniste de cinéma. Ce qui explique la tendresse particulière que nous avons pour ce film. Lors d’une scène mémorable et à tiroir, le projectionniste se « détriple » pour participer au film dont il aussi spectateur. Outre cette étonnante mise en abyme, on s’amuse de l’enquête de la fiancée de Buster qui, telle une Sherlock Junior, fera éclater la vérité et lui rendra son honneur bafoué par un rival indélicat. Réalisé en 1924, ce film important de Keaton, comme les autres que nous vous avons proposés tout au long de l’année, bénéficie d’une très belle restauration. Un excellent moment en famille pour bien finir 2019 !

On ne conseillerait pas une telle sortie familiale pour The Lighthouse. Comme le déclare son auteur, également réalisateur du très remarqué (et perturbant) The Witch : laisser deux hommes seuls dans un phallus géant n’augure rien de bon. Willem Dafoe, vieux loup de mer dévot et aviné, échoué dans un phare perdu au milieu de la tempête, initie le jeune Robert Pattinson aux « joies » de l’isolement, de la frustration, de l’humiliation, du froid, du vent, des embruns, de la merde et de l’alcool frelaté. Le programme étant posé, la décomposition peut commencer et mènera les deux hommes vers une inévitable folie à l’homosexualité sublimée. Radical dans son propos, The Lighthouse l’est surtout dans sa forme. Le format carré enfermant (1,19:1), la bande son lancinante, la magnifique lumière inquiétante, le grain présent de la pellicule noir et blanc, tout concoure à créer un objet cinématographique hors normes, qui puise son inspiration chez Dreyer, Murnau, mais aussi Bresson ou Epstein. On peut adorer ce film qui ne ressemble à aucun autre de la production contemporaine, ou être perturbé, voire gêné. Mais il ne laisse pas indifférent et mérite vraiment d’être vu ; ne serait-ce que pour inciter d’autres cinéastes à casser les codes, sortir des formats, et proposer aux spectateurs des œuvres qui les bousculent un peu. C’est vrai quoi ! Arrêtons de ronronner !

Avant de vous souhaiter une très bonne année, laissez-nous encore vous dire que d’autres films poursuivent leur belle carrière au Grand Action : The VVitch, le premier film de Robert Eggers dont nous vous avons parlé plus haut, Moonrise, mélo hollywoodien de Frank Borzage, Ad Astra, voyage interstellaire de James Gray et Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino, dans sa version 35mm.

Et concluons l’année et la lettre avec l’Enfance de l’Art. Jeudi à 10h30, séance spéciale jeune public avec une sélection de courtes animations tchèques autour de Ferda la Foumi, de Hermina Tyrlova. Dimanche à 14h, nous reverrons avec plaisir la féérie bizarre de L’Étrange Noël de M. Jack, d’Henry Selick. Étrange, certes, mais de saison.

Passez de belles fêtes.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.