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L'Édito

Les pirates rusent et les Russes rient.

L'Édito

Les pirates rusent et les Russes rient.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Pas de panique, vous allez comprendre ce titre abscons en lisant notre programme. Il est dominé cette semaine par deux faits majeurs. Le premier, c’est bien sûr Hacker, nouveau film de Michael Mann qui raconte la traque d’un dangereux pirate informatique par un autre, que la réalité a rendu plus coopératif vis à vis de l’autorité. Quoique… D’où les ruses, et le Cycle Michael Mann qui accompagne Hacker en montre d’autres de ce grand cinéaste. Quant aux Russes, ils sont les vedettes d’un festival initié par nos amis de Ciné-Ma-Russie. Le Festival Quand les Russes Rient démontre, en 30 films, des invités, des débats, des tables rondes et une compétition de courts-métrages, que l’on sait aussi se fendre la pipe à l’est de l’Oural. Comme pour créer un lien entre ces deux univers forcément divergents, un Ciné-Club Univers Convergents nous propose, mardi soir, Out of The Présent, d’Andreï Ujica.

Le Ciné-Club Univers Convergents est une réunion de cinéphiles scientifiques. Ce mardi 31 mars, la séance sera présentée par Jacques Arnould, historien des sciences, Jean-Pierre Haigneré, astronaute, et Andreï Ujica, réalisateur de Out of The Présent. Si nous écrivions, quelques lignes plus haut, que ce film faisait un lien entre le Hacker et les Russes, c’est qu’il montre la curieuse vision qu’a eu un cosmonaute (donc techno) soviétique (donc russe) de l’effondrement de l’Empire en août 1991. Vue de la station Mir, la Place Rouge prend une toute autre couleur. L’accès à la soirée est gratuit sur réservation uniquement à l’adresse suivante : www.ihp.fr.

On a souvent quelque a priori sur le cinéma russe, et a fortiori, soviétique. Il serait pataud, ennuyeux, statique et, même s’il demeure plastiquement intéressant, beaucoup de cinéphiles le considèrent triste, voire légèrement dépressif. C’est bien mal le connaitre, et le festival Quand les Russes Rient en apporte la preuve avec un brio apte à libérer les zygomatiques les plus réfractaires à l’humour slave oriental. Nous n’allons pas ici lister les nombreux films qui vont égayer ce festival original, mais il y a des perles. A commencer par tous ceux interprétés par Inna Tchourikova, épouse à la ville de Gleb Panvilov, et bombe de drôlerie à l’écran. En leur présence, nous verrons Le Début et Je demande la Parole, tous deux de Gleb, ainsi que Garçon de Courses, de Karen Chaknazarov, également auteur de l’hilarant et musical Nous Sommes du Jazz. Karen devrait aussi nous faire une visite. Si le festival refait l’histoire de la comédie russe des années 50, 60 et 70, où l’on découvrira quelques bijoux totalement méconnus sur cette rive de l’Oural, il laisse aussi la parole aux cinéastes de l’ère post-soviétique. Ainsi nous pourrons voir Le Gros Lapin Stupide, film multi-primé de Slava Ross, Récit du réalisateur de clips prodige Mikhael Segal, et les deux en leur présence. La programmation est riche, et ponctuée de nombreux évènements. Citons une compétition de courts-métrages, projetés avant les longs, une remise de prix dimanche à 13h30, et samedi encore à 10h, une table ronde pour savoir si l’humour russe existe. Pour répondre à cette drôle de question très sérieuse, le débat, animé par Jean Radvanyi, réunira les réalisateurs Slava Ross et Mikhaïl Segal, les éditorialistes Bernard Guetta et Philippe Meyer, ainsi que des journalistes, des sociologues et des humoristes russes. Vous êtes les bienvenus pour prendre part au débat, mais le programme du festival nous donne la réponse : oui, l’humour russe existe.

Face à cette déferlante moscovite, Michael Mann résiste, avec Hacker et le Cycle qui l’accompagne. Cinéaste virtuose, Mann a l’art de filmer la nuit, et de jouer avec les lumières pour faire naitre de l’émotion et du sens. Ainsi, l’on se souvient des clairs obscurs du Solitaire, des lueurs de cigarettes de Révélations, des phares d’avion éclairant par intermittence la piste où Pacino et De Niro s’affrontent dans Heat, la forêt aussi sombre que les rues de Chicago des années 30 qu’arpentent les Public Enemies, ou les projecteurs qui éclairent le ring où Ali cherche la gloire. Dans Hacker, Mann joue entre les éclairages jaunes d’un night market chinois et les feux d’une fête populaire indonésienne, qu’il oppose à la lumière froide des écrans, et à celle des faisceaux bleus et virtuels qui circulent à une vitesse effrénée dans les réseaux informatiques. Ceux là sont piratés à grande échelle par un redoutable gangster numérique, dont les hommes de main sont bien réels. Ils semblent avoir juré la perte de notre monde, faisant exploser les centrales nucléaires et les places financières, mais leur but demeure un mystère. Pour contrer l’attaque, Chinois et Américains vont devoir collaborer, et faire appel à un Hacker de talent, emprisonné pour une affaire précédente. Le combat du bien et du mal est lancé, mis en image par un maître du film d’action. Et ça va saigner, car le héros est aussi balaise en code qu’en baston.

Pas d’Enfance de l’Art ce dimanche, mais elle revient le prochain.
Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.