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L'Édito

Le parfum de l’été

L'Édito

Le parfum de l’été

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Pour les quelques semaines estivales qui viennent, notre programme est d’une surprenante simplicité : une seule salle et un seul film, mais un très bon film qui parfumera de souffre votre été : Her smell, le dernier Alex Ross Perry. En effet, le Grand Action est en travaux, la salle panoramique s’est vidée de ses fauteuils et attend sa nouvelle configuration (changement des sièges, de la moquette et de l’écran) pour rouvrir en beauté le 14 août avec la sortie de Once Upon a Time in Hollywood, le Tarantino présenté à Cannes. Vous avez donc quelques jours pour vous vautrez dans les profondes et confortables assises de la salle club et voir la performance sans concession d’Elisabeth Moss, la rock star grunge en crise de Her smell.

Miss Moss a d’abord crevé le petit écran via quelques séries de hautes volées (Mad Men, Top of the Lake, The Handmaid’s Tale…) avant d’être récupérée par le grand. Mais elle choisit attentivement ses films, et aime s’investir dans des productions exigeantes. Après Listen Up Philip et Queen of Earth, Her smell est sa troisième collaboration avec Alex Ross Perry. Ce jeune réalisateur qui a eu 35 ans le jour de notre Fête Nationale, fut triplement formé à New York : diplôme du NYU’s film program, vendeur chez Kim’s Video, temple de l’introuvable de l’East Village, et proche du Mumblecore, courant cinématographique fauché et créatif de la Côte Est. Il débute en 2009 avec Impolex, une comédie absurde adaptée de Thomas Pynchon et fabriquée avec 15 000 $. 10 ans, 6 films, quelques scénarios et diverses participations cinématographiques plus tard, il revient avec un budget plus conséquent pour Her smell.

Début des années 90. La scène américaine vibre au son (et au look) du grunge, un rock sombre, presque « garage », désespéré et énergique porté par des groupes mythiques. On pense à Nirvana, bien sûr, et d’ailleurs, la Becky qu’incarne magnifiquement Elisabeth Moss dans Her smell s’inspire de Courtney Love, épouse déglinguée de Kurt Cobain. Becky est guitariste et voix de Something She, girl band destroy (et fictif) qui connut le succès. Mais on la découvre au crépuscule de sa gloire, alors que la folie, la défonce et les gourous ont eu raison de sa superbe. De l’âge d’or du groupe, on ne voit que des bribes, plans intimes volontairement mal filmés qui alternent avec trois grandes scènes de pure déglingue, où les rivalités du présent ont souvent raison des complicités du passé. Miss Moss, quasi de tous les (très gros) plans, compose un personnage complexe, fille perdue et mère absente, star iconique et pauvre paumée, sublime, fascinante et parfois hideuse. La caméra de Ross Perry virevolte pour suivre au plus près son hystérie, avant de se poser quand approche la rédemption, se calant sur le parcours de Becky, monstre et génie. Autour d’elle, une pléiade de comédien.ne.s épatant.e.s. (Ok, on arrête avec l’inclusive). Eric Stoltz en manager patient (et il en faut de la patience), Dan Stevens en ex-mec calme (et il faut le rester), Cara Delevingne (en héritière, car il y a un bel héritage), Virginia Madsen en mère présente (et il faut être là). Surtout, on notera les performances des deux comparses musicales de Becky : Gayle Rankin, rugueuse batteuse, et Agyness Deyn, impassible bassiste cocaïnée qui, après avoir été l’une des tops les plus demandées sur les catwalks, montre aussi un vrai talent d’actrice.
Un pur film « sex and drug and rock’n roll » plein d’énergie, qui dresse aussi le portrait en creux d’un milieu et d’une époque de glamour trash.

Ce sera tout pour les quatre semaines à venir, qui accueilleront sans doute quelques autres films, dont des Quentin Tarantino pour vous préparer à son Once Upon the Time in Hollywood. On se retrouve le 14 août, dans un Grand Action flambant neuf et devant un film flamboyant.

Bel été, avec et sans Becky.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.