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L'Édito

La fièvre.

L'Édito

La fièvre.

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Notre programme de la semaine est à l’unisson de cette période fiévreuse. Joe Hill, rééditionde Bo Widerberg, raconte l’histoire d’un révolutionnaire en révolte contre le capitalisme américain naissant, et L’Idiot, dernier film de Yuri Bykov, le coup de sang d’un petit plombier russe contre un pays malade. Irrational Man la dérive meurtrière d’un prof de phylo. Nos événements sont dans la même veine. Mais si La Fièvre du Samedi Soir, de John Badham, présenté vendredi par le cycle Warhol Unlimited, porte le mot dans son titre, il donne de la fièvre une version relativement positive. Moins que celle qui consume le « pastueur » de La Nuit du Chasseur de Charles Laughton, proposé samedi en ouverture du Festival Addiction à l’œuvre, ou celle qui se propage sur la plage où sévit L’Inconnu du Lac, mis en scène par Alain Guiraudie et éclairé par Claire Mathon qui animera, mardi soir, notre Ciné-Club Louis Lumière

Débutons donc par le premier événement de la semaine, qui se tiendra mercredi à 19h. L’équipe de Malavida, distributeur de Joe Hill, viendra nous présenter ce très beau film réalisé en 1971 par Bo Widerberg. Au tournant du XXe siècle, Joe Hill quitta sa Suède natale pour les Etats-Unis. Il y vécut en poète, en nomade, en travailleur et en syndicaliste. Mais sa liberté et son engagement déplurent, et l’on s’arrangea pour qu’il fut accusé d’un meurtre et exécuté. Thommy Berggren redonne chair à ce troubadour révolutionnaire, que chanta Joan Baez, et qui demeure, 100 ans après avoir été fusillé, une icône anticapitaliste et anti peine de mort. Il faut voir ce film rare, engagé et magnifiquement réédité, qui obtint le Prix du Jury à Cannes. Tout en captant l’air libertaire des années 70, Widerberg construit une vraie épopée, entre Nouvel Hollywood et intimisme cassavetien. Notons qu’en avant-programme, nous projetons une courte introduction du film par le critique Jean-Jacques Bernard, récemment disparu.

« Ha, ha, ha, ha, stayin’alive, stayin’alive… ». Le tube des Bee Gees marqua la fin des années 70 et permit à John Travolta, incarnation d’un type de mâle adulé par Warhol, d’emballer le danse floor en jetant sa veste blanche. La vague disco emporta tout sur son passage, et influença même l’œuvre de l’artiste. Sébastien Gokalp, co-commissaire de l’expo Warhol Unlimited viendra vendredi à 20h, nous présenter La Fièvre du Samedi Soir, où la crasse se tapit toutefois sous les paillettes.

Le lendemain, le Festival Addiction à l’œuvre ouvrira son bal avec La Nuit du Chasseur de Charles Laughton. Doit-on encore vous présenter ce bijou, unique film de son réalisateur, qui offrit à Robert Mitchum son plus beau rôle ? Nous, non, mais il est certain que Philippe Bérard et Alain Bergala introduiront la séance avec brio.

Mardi, nous clôturerons la semaine avec un Ciné-Club Louis Lumière où Claire Mathon viendra nous parler de son travail sur L’Inconnu du Lac. Entièrement tourné en lumière naturelle, ce fascinant thriller gay d’Alain Guiraudie se déroule sur une plage naturiste où des hommes viennent en rencontrer d’autres. Quand on écrit « rencontrer », c’est au sens propre. Mais ce portrait juste et touchant du monde homo donne aussi un cadre au macabre travail d’un psychopathe. Nous nous remettrons de nos émotions lors du cocktail à suivre.

Yuri Bykov ne doit pas être en odeur de sainteté dans sa Russie natale. Le tableau qu’il dresse du pays dans L’Idiot est révulsant. Alcoolisme, violence, drogue, prostitution, corruption surtout, jusqu’au meurtre, il n’y a pas grand chose à sauver dans l’ancien empire. En revanche, il y a un grand cinéaste qui, d’une fissure dans un immeuble lépreux repérée par un petit plombier, tire une terrible satire sociale, superbement mise en scène quasiment en temps réel. Vaguement inspiré du prince Mychkine, Artem Bystrov incarne avec autant de puissance que tous les autres acteurs, ce juste qui se fracasse sur la violence du monde. Un film terriblement noir, pas très euphorisant, mais qui ne vous lâche pas.

Terminons vite, même s’ils mériteraient qu’on s’y attarde plus, par Les Yeux Brûlés, hypnotique faux reportage sur la guerre, l’image et la mémoire de Laurent Roth, et Irrational Man, dernière fable amorale de Woody Allen. Et puis l’Enfance de l’Art, bien sûr, qui dimanche nous montre Le Cirque de Chaplin, précédé de Presto Change’O.

Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.