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L'Édito

Des busters à Hollywood.

L'Édito

Des busters à Hollywood.

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Buster, c’est un mot familier pour dire « pote » ou « ami », avec une petite nuance condescendante. Ce surnom peut aussi prendre le sens de « casse cou » et correspond donc parfaitement à nos trois films de la semaine. Dans Once Upon the Time… in Hollywood, Quentin Tarantino nous raconte une jubilatoire déambulation encadillaquée de deux potes, un acteur en descente (DiCaprio) et son cascadeur et homme à tout faire (Pitt), dans le Los Angeles changeant de 1969. Buster Keaton, l’homme élastique qui ne rit jamais, nous régale en mer et en souplesse dans La Croisière du Navigator, l’une de ses performances phares à redécouvrir sur copie neuve. Quant à Elisabeth Moss, la star déglinguée du film Her smell d’ Alex Ross Perry, elle prend certes des risques mais, pour ses proches, casse aussi d’autres choses que les cous…

Once Upon the Time… in Hollywood On sait la passion de Quentin Tarantino pour la référence, le pastiche, le clin d’œil, le détournement et la réécriture de l’histoire. Ce génial faussaire du cinéma (qui n’est finalement qu’un art du faux) nous livre, pour son neuvième et – officiellement selon lui-même – avant-dernier film, une drôle de fable dont 72 visions ne permettraient pas au plus vigilant des spectateurs d’identifier toutes ses inspirantes circonvolutions (un exemple : Bruce Lee a réglé les combats de The Wrecking Crew). Nous voilà donc en 1969, année charnière du monde, et du cinéma, puisqu’une nouvelle génération, incarnée ici par la fugace figure de Roman Polanski. Rick Dalton, comédien sur le retour, et Cliff Booth, sa doublure et fidèle homme de main, incarnent, eux, le cinéma du passé et sont « officiellement has been ». DiCaprio s’amuse énormément (et nous avec) à casser son image et Brat Pitt, au torse encore vigoureux mais marqué, compose une très sympathique brute qu’on aimerait avoir pour ami. Comme toujours chez Tarantino, certaines scènes, qu’il se plait à laisser durer, sont particulièrement savoureuses et servis par des acteurs de haut vol parfaitement dirigés. Rick répétant dans sa piscine, en héros virtuel de La Grande Evasion ou confronté à une enfant comédienne exaspérante mais touchante ; Cliff réparant l’antenne TV de son patron, nourrissant son chien ou redécouvrant son index sous LSD… Du bonheur ! Et puis il y a la frivole Sharon Tate (Margot Robbie), épouse et enceinte de Polanski qui, dans la réalité, sera assassinée par les Hippies de la Manson Family, dont l’ombre inquiétante – et tarantinesquement bouffonne – plane sur Once Upon the Time… in Hollywood. Un mot encore sur les apparitions épatantes d’Al Pacino et Bruce Dern, deux acteurs emblématiques du Nouvel Hollywood, dont Tarantino est le fils spirituel et qui vient de perdre l’un de ses pères, Peter Fonda. So long, Captain…

Quand Buster Keaton nous mène en bateau, on sait que la traversée va être agitée. Le panneau d’entrée annonce d’ailleurs « le tour singulier que joue parfois le destin », alors qu’un jeune couple embarque sur un navire à la dérive. La Croisière du Navigator fut tournée lors de la courte décennie d’or (1922-1930) pendant laquelle Buster, ayant monté sa société de production, eut la maîtrise totale de ses films. L’acteur est alors au sommet de son art et redécouvrir son incroyable talent sur copie neuve est toujours un ravissement. Notez que, d’ici la fin de l’année, nous ressortirons deux autres Keaton de la grande époque en version restaurée (Sherlock Junior et Le Dernier Round).

Her smell, où Elisabeth Moss compose une rock-star grunge des années 90 devant la caméra cinglante d’Alex Ross Perry, conserve deux séances. Autant que l’Enfance de l’Art qui, jeudi à 10h30, donne le départ de La Course du Siècle, amusant et pétillant dessin animé pour le (très) jeune public. Dimanche à 14h, toute la famille se régalera en revoyant Mon Oncle, alias l’étonnant Jacques Tati.

Belle semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.