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L'Édito

No surrender.

L'Édito

No surrender.

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Ne jamais se rendre. Cette profession de foi n’est pas celle des cinémas indépendants, mais le cri que la Résistance Tchèque adresse aux nazis dans Les Bourreaux meurent aussi, film de Fritz Lang de 1943 que nous sortons sur copie neuve avec la complicité de Théâtre du Temple, son distributeur. Au contraire, le criminel malheureux de Juste avant la nuit, film de Claude Chabrol que le critique Thierry Jousse viendra nous présenter dans le cadre du Ciné-club des Ecoles de jeudi, est empêché de se rendre à la police par ses proches et ceux de sa victime. En revanche, la fière exhortation de notre titre correspond à l’état d’esprit des pugilistes de Boxing Gym, magistralement (comme d’habitude) mis en scène par Frederick Wiseman et que le Ciné-club Louis Lumière, nous propose mardi, en présence de son mixeur Emmanuel Croset. Hormis ces nouveautés, le reste de notre programme, toujours mené par We Blew it, poursuit son petit bonhomme de chemin.

Le Ciné-club des Ecoles de jeudi 20h est le premier événement de notre semaine cinématographique. Revoir un Chabrol est toujours un plaisir, car ce vieux Claude demeure l’orfèvre dostoïevskien des turpitudes provinciales, décrivant avec jubilation la façon dont, sous la braise éteinte de vies étriquées, bourgeoises et conventionnelles, couve le feu de la perversion, du mensonge et souvent du crime. Juste avant la nuit, sorti en 1971, est une réponse à La Femme infidèle, réalisé deux ans plus tôt. On y retrouve Stéphane Audran et Michel Bouquet, meurtrier malgré lui de sa maîtresse, que sa femme et le mari cocufié, son meilleur ami, exhortent de ne pas se dénoncer par peur du scandale. Un amer régal, dont le critique Thierry Jousse viendra nous parler après la projection et avant le cocktail au Grand Bar.

Mardi 5 décembre, le Ciné-club Louis Lumière a invité un talentueux artisan du son, le mixeur Emmanuel Croset, pour évoquer l’un des films sur lequel il a travaillé : Boxing Gym. Pour faire simple, Frederick Wiseman est une sorte de Depardon américain. Les deux partagent le talent de poser leur caméra et de la laisser saisir des moments de vie incroyablement puissants. Wiseman a filmé ici le Lord’s Gym, club de boxe texan où toutes les populations viennent se taper sur le ring avant d’échanger dans les vestiaires. C’est simple, beau et évident car le documentariste sait tirer, d’une matière brute, 91 minutes de diamant cinématographique. Parmi l’équipe qui l’aide à extirper ces pépites, notre ami Emmanuel nous expliquera son travail, et prolongera le débat lors du cocktail à suivre.

Nous vous avons rapidement rappelé la semaine dernière le parcours de Fritz Lang. Exilé en Amérique, il retrouva un autre Allemand qui avait fui le nazisme pour des raisons politiques, Bertolt Brecht. Le grand dramaturge, qui y écrivit une bonne partie de son œuvre théâtrale, fut évidemment sollicité par la machine hollywoodienne. Mais la greffe prit moins bien que celle de Lang et Les Bourreaux meurent aussi fut finalement son seul scénario. Pourtant – et malgré la liberté que BB s’autorisa avec l’histoire puisque Heydrich ne fut pas assassiné dans les circonstances décrites dans le film – le texte est une réussite. Engagé et militant, il glorifie la résistance à l’oppresseur et le courage de celles et ceux que leur courage mena à la mort. Même s’il est toujours étrange de voir des Allemands et de Tchèques s’exprimer avec un vieil accent du Midwest, Les Bourreaux meurent aussi est un film important où l’on constate que Lang sut trouver ses marques dans les studios Yankees. Toutefois, après guerre, ces deux prestigieux immigrés retournèrent à leur mère patrie, chacun d’un côté du mur. Lang retrouva la RFA, tandis que Brecht, chassé des USA par le Maccarthysme, interdit de séjour à l’Ouest et fidèle à son engagement marxiste, s’installa à Berlin-Est. Toutefois et jusqu’à sa mort en 1956, le régime communiste se méfia de ses idées progressistes et pacifistes.

Aux côtés du Cycle Fritz Lang, réduit cette semaine, nos derniers succès poursuivent leur carrière. En tête, We Blew it , le documentaire de Jean-Baptiste Thoret qui éclaire l’Amérique trumpiste d’aujourd’hui, suivi de CarrieDetroitPhase IV et Certain Women.

On termine avec l’Enfance de l’Art qui conserve le même programme avec Ivan Tsarévitch et la princesse changeante mercredi, et, dimanche, Miss Peregrine et les enfants perdus.

Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du GrandAction