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L'Édito

Disparaître

L'Édito

Disparaître

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Disparaître, c’est le but des héros de Leave no trace, nouveau film de Debra Granik, et l’activité principale du père de l’héroïne de Winter’s Bone, son précédent opus. Notre titre évoque aussi la disparition d’une douzaine de femmes, victimes de L’Etrangleur de Boston, film de Richard Fleischer choisi par le Ciné-club des Ecoles pour sa séance de jeudi 20h. Il peut aussi faire référence à l’effacement du flic noir de BlacKkKlansman quand il s’agit de rencontrer les membres du KKK, ou aux millions de dollars dont le Casino de Scorsese permet l’évaporation. La disparition serait-elle un sujet de cinéma ? Possible, mais paradoxal pour un art du voir.

Jeudi à 20h, le Ciné-club des Ecoles fait sa rentrée avec le passionnant historien du cinéma Michel Etcheverry pour éclairer les débats. Il nous entretiendra d’un film inspiré d’un terrible fait divers qui secoua la capitale du Massachussetts au début des années 60. L’Etrangleur de Boston viola et assassina une douzaine de femmes, avant d’être arrêté presque par hasard, puis de mourir poignardé en prison, laissant planer le doute sur son implication dans certains crimes. Le film de Fleischer s’intéresse à la personnalité double du meurtrier, et utilise abondamment le split-screen (division de l’écran rendue célèbre par Thomas Crown, réalisé cette même année 68) pour multiplier les points de vue. Malgré la présence à contre-emploi de Tony Curtis, qui brillait alors dans la comédie romantique, pour incarner le tueur, Fleischer traite son sujet quasi comme un documentaire, accentuant ainsi sa force et sa tension. Heureusement, un cocktail à suivre nous permettra de nous remettre du traumatisme de L’Etrangleur de Boston au Grand Bar.

« Il y a suffisamment de récits de la vie des riches et puissants, des rois et reines, des politiciens et des banquiers, des seigneurs du crime ou des barons de la drogue », confiait Debra Granik à Julien Gester, dans Libération du 19 septembre. Elle préfère donc s’intéresser aux histoires de la rue, aux personnages à la Dickens qui doivent inventer comment naviguer dans leur vie. Une veine qui a donné naissance à l’adolescente autonome de Winter’s Bone, ou au père et sa fille de Leave no trace, son dernier film sorti mercredi dernier. Pour incarner ces deux naufragés volontaires qui fuient le monde et leur passé dans une forêt où ils apprennent à survivre, point de ces acteurs hollywoodiens aux « dent parfaites, droites et blanchies« , mais deux comédiens bosseurs qui n’ont pas peur de se salir et ne réclament pas de « special requirements« , ces « exigences particulières » des stars devenues trop lisses. Ben Foster est le père brisé et taiseux, mais doux et nécessaire, d’une gamine à la lumineuse intelligence (Thomasin McKenzie) qu’il initie aux gestes qui sauvent et permettent de disparaître aux yeux de la société. Mais leurs réflexes survivalistes et leur absence de trace n’empêcheront pas le monde civilisé de les rattraper. Il faudra encore fuir, mais chacun devra alors trouver sa propre direction. Prenez celle de Leave no trace, assurément l’un des grands films de cette rentrée, et découvrez une cinéaste dont on n’a pas fini de parler car elle a beaucoup de choses à dire sur notre époque. Profitez-en aussi pour voir ou revoir Winter’s Bone, réalisée par Debra en 2010, avec une inconnue qui ne l’est plus : Jennifer Lawrence, dont les dents sont désormais trop blanches…

Dans la foulée du récent et formidable BlacKkKlansman, le cycle Spike Lee (Miracle à Santa Anna, Do the Right Thing…) poursuit sa carrière sur nos écrans. Une séance également pour la copie neuve de Casino, et donc une seule chance de voir sur grand écran ce bijou scorsesien. Ce sera samedi à 17h30.

Vous ne serez pas étonnés que nous terminions avec l’Enfance de l’Art. Mercredi à 14h30, Dans la forêt enchantée de Oukybouky, un joli  dessin animé norvégien, fascinera les tout-petits qui se détendront ensuite lors d’un atelier yoga, et dimanche à 14h, Le Nouveau, de Rudy Rosenberg, ravira les collégiens.

Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.