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L'Édito

Deux virtuoses.

L'Édito

Deux virtuoses.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Pas d’événement, pas de projection spéciale, pas de ciné-club cette semaine au Grand Action. Même pas d’Enfance de l’Art ! Juste deux films avec 4 séances par jour, comme dans un cinéma classique. Il s’agit des deux nouveautés dont on parle beaucoup, signés par deux grands auteurs virtuoses : Alejandro González Iñárritu et Michael Mann. Allez, Birdman et Hacker méritent bien la sobriété de notre programme de la semaine.

Quelques privilégiés ont découvert Hacker lors de l’avant-première de mardi 17 en présence de Philippe Rouyer. Tout le monde va pouvoir déguster le dernier film de Michael Mann dès mercredi à 14h. Michael Mann, 72 ans, prouve qu’il n’a rien perdu de son style après une pause de près de 5 ans depuis sa dernière réalisation. On retrouve dans Hacker la patte, le souci du détail, la recherche documentaire (premières amours de Mann) et la virtuosité technique de l’auteur de HeatCollateral, Ali, ou Le Sixième Sens. Comme il avait scrupuleusement osculté la vie des   braqueurs, du boxeur, des taulards ou des tueurs en série, Mann nous immerge ici dans le monde des pirates informatiques. Hacker, interprété par l’étonnant Chris Hemsworth qui vaut mieux que Thor qu’il incarna à l’écran, fut une star de la discipline. Ce qui lui vaut de croupir en prison. Une attaque impitoyable conduit ses geôliers à l’émanciper, afin de lutter contre un assaillant autrement plus redoutable, puisqu’il provoque un crack boursier et l’explosion d’une centrale nucléaire. Hacker va devoir sauver notre si vulnérable monde hyperconnecté et trouver le code qui permettra de contrer l’ennemi. C’est un euphémisme, et presque un pléonasme, de dire qu’un film de Michael Mann est efficace. Celui-ci, au delà d’offrir un spectacle spectaculaire, nous invite à réfléchir à toute la confiance que nous mettons dans ces petites machines branchées sur lesquelles nous passons une bonne partie de nos vies. N’oublions par que ces symboles de la puissance et de la fragilité de notre modernité, ne sont jamais relier que par des suites de zéros et de uns. Heureusement que, devant la caméra méticuleuse de Mann, Chris “Thor“ Hemsworth, tête bien faite dans corps puissant, est là pour nous protéger en courant le monde en tout sens et en défouraillant à tout va. Même si ça ne va pas aller de soit…

Birdman eut aussi bien besoin d’un ange gardien pour le défendre de ses démons. L’acteur Riggan Thomson, star déchue qui interpréta le super héros à l’écran, veut, tel un phœnix (toute ressemblance avec Birdman semble sciente) renaître au théâtre. Mais tout est déglingué chez Riggan : sa famille, ses amours, ses acteurs, ses souvenirs, ses finances, son aura, et surtout son pauvre cerveau qui paraît ne s’être jamais remis d’avoir jouer les héros. Hanté par tout un tas d’obsessions manifestés par un harcelant solo de batterie, Riggan navigue à vue et en temps réel dans un monde qu’il croit maîtriser mais qui lui échappe. La caméra mobile le suit comme une ombre, et le film n’est quasi fait que d’un seul plan virtuose qui fait glisser les ellipses en passant devant un mur décrépi, le dos d’un technicien ou le grill des projecteurs. La réalisation au cordeau d’Iñárritu exprime la folie de son personnage avec une acuité rare au cinéma. Mais malgré le drame intime, l’on rit beaucoup devant ce film jubilatoire, libre et si particulier. L’académie des Oscar fut sensible à l’originalité de l’histoire et à sa mise en forme, décernant à Birdman quatre statuettes majeures : réalisateur, film, scénario, image. Elles auraient aussi pu couronner Michael Keaton, qui porte le film dans son regard halluciné, Edward Norton, merveilleux érotomane égotique, Emma Stone, touchante gamine perturbée, et Naomi Watts, qui compose une actrice confondante de médiocrité.

Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.