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L'Édito

Cinérama

L'Édito

Cinérama

Chères spectatrices, chers spectateurs,

« Mais voilà, mais voilà, qu’un soir au cinérama, au ciné en couleur, sur l’écran exhibiteur, une femme, un serpent, une chatte mollement, s’est glissée, s’est lovée au creux de ta peau Léon. Tu l’as dans la peau Léon, Léon, Léon, Léon… » On a toujours du mal à résister au charme des chansons de Jeanne Moreau. Surtout que pour annoncer le Festival Télérama, son cinérama qu’on a dans la peau (comme celle que Habito d’Almodovar) nous plaisait bien. Mais, outre la sélection du plus cinéphile des magazines télé et la poursuite des projections de Hugo Cabret et La Mouche, l’événement de la semaine est bien la venue de Guy Scarpetta, invité du Ciné-Club Positif de janvier consacré à Raoul Ruiz.

Pour ceux qui ne le connaitraient pas, précisons que Guy Scarpetta est romancier et essayiste, également Maître de Conférence en cinéma et littérature à l’Université de Reims, et collaborateur chez Art Press, le Monde Diplomatique et France Culture. C’est donc un authentique intellectuel que nos amis de Positif ont convié pour leur soirée de mardi à 20h. Guy animera le débat à l’issue de la projection du Temps Retrouvé, adaptation gonflée de Raoul Ruiz et Gilles Taurand de la nouvelle (!) de Marcel Proust. S’appuyant sur une distribution hallucinante (Deneuve, Béart, Perez, Malkovich, Greggory, Pisier, Dombasle…), le regretté Ruiz (décédé en août dernier) réussit une lecture nostalgique, intelligente et touchante de Proust. Grand connaisseur et du cinéaste, Guy Scarpetta nous livrera une passionnante analyse de l’œuvre.

Chaque année, Télérama dresse avec ses lecteurs un « best off » des films. Pendant une semaine, ils sont projetés dans les salles partenaires du festival, offrant aux spectateurs un rattrapage à raison d’un film par jour. Cette semaine sera incandescente et débutera mercredi avec une cinglerie cinglante d’Almodovar, La Piel que Habito, où un médecin fou recrée la peau de sa femme brûlée. Jeudi, autres brûlures démentes mais irréparables, celles des Incendies de Denis Villeneuve, dans le brasier libanais. Le Black Swan de Darren Aronofsky se brûlera aussi les ailes sur les feux de la rampe, avant que le pilote de Drive ne fasse chauffer la gomme des casses qu’il véhicule, devant la caméra de Nicolas Winding Refn. Dimanche, une Séparation, où Asqhar Farhadi ausculte la fièvre de la vie privée pour dénoncer les folies de l’Iran contemporain. Lundi, malgré la fumée blanche qui s’échappe du Vatican, nous n’aurons pas de nouveau Pape, comme le montre Nanni Moretti dans Habemus Papam, et mardi, Pierre Schoeller invente un langage cinématographique pour décrire les marques indélébiles que l’Exercice de l’Etat provoque sur le cuir pourtant résistant des puissants.

Malgré cette avalanche de films, nos vedettes de la semaine dernière conservent leur place. Ainsi, et bien que le festival que nous lui consacrons soit ajourné jusqu’à la semaine prochaine, le dernier Martin Scorsese est toujours à l’affiche. Son Hugo Cabret, l’horloger orphelin redécouvreur du vieux Méliès, continue de ravir tous les publics, y compris le plus jeune. Brillamment réalisé, ce conte de Noël est aussi une merveilleuse façon de comprendre à quel point Méliès fut un magicien du cinéma, surtout mis en scène par Scorsese qui d’ailleurs vient d’être couronné d’un Golden Globe.
Deux monstres complètent le programme. Le premier, ou plutôt la première, est réellement effrayant. Avec La Mouche, David Cronenberg inventait en 1986 une nouvelle forme d’horreur, inspirée par les visions de son esprit tordu (pardon David, mais c’est vrai), son obsession du corps qui se transforme, son expérience de plasticien, son amour pour la série B et son envie de cinéma. L’autre monstre, un mythe, est beaucoup plus attachant. C’est King Kong, dans la version originale 1933 signée Schoedsack. On a beau l’avoir vu 28 fois, on ne s’en lasse pas, et merci à l’Enfance de l’Art pour ce choix.
Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Actio