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L'Édito

11 Oscars au Grand Action.

L'Édito

11 Oscars au Grand Action.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Si Birdman, le dernier film d’Alejandro González Iñárritu sorti mercredi dernier rafle le gros lot avec quatre Oscars majeurs, Whiplash, récompensé pour son montage, son mixage et la performance de J.K. Simmons s’en sort bien, tout comme The Grand Budapest Hotel, auquel le jury a décerné 4 statuettes, dont celui de la musique à notre Desplat national. Vous avez vu ces deux derniers films récemment dans nos salles, et pouvez maintenant découvrir Birdman. Cette semaine, Birdman officie donc en chef d’escadrille, accompagné de Quand Passent les Cigognes de Mikhaïl Kalatozov proposé par Ciné-Ma-Russie, et d’une réédition de luxe de La Nuit des Morts Vivants, chef d’œuvre zombi de Georges Romero et seul film de la semaine où il ne soit pas question de volatiles.

Si Birdman a brillé aux Oscar 2015, c’est au Festival de Cannes de 1958 que Quand Passent les Cigognes a obtenu la Palme d’Or. Il montrait ainsi le talent du cinéma soviétique qui, en cette période de Guerre Froide, était souvent jugé par trop pompier et propagandiste. L’équipe de Ciné-Ma-Russie, menée par Macha Méril et Pierre Murat, a donc choisi de nous proposer jeudi à 20h ce film remarquable. Montrant l’horreur de la Seconde Guerre Mondiale sous un angle nouvellement intimiste, il rompt avec l’habituel patriotisme du cinéma russe d’alors. Novateur dans le fond, le film de Mikhaïl Kalatozov l’est aussi dans sa forme, avec notamment d’impressionnants et inédits mouvements de caméra. Un sujet qui touche forcément Claude Lelouch. Il sera présent jeudi pour en parler, en compagnie de Françoise Naveilh, historienne du cinéma. Le rituel cocktail russe permettra de prolonger la soirée.

Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure photographie, meilleur scénario, Birdman a logiquement fait le plein aux Oscars. Birdman, super héros volant, fut le grand rôle d’un comédien un peu oublié qui veut se refaire une virginité d’acteur sur une scène de Broadway. Mais, entouré d’une clique de nuisibles, guidé par un égo pervers et hanté par le fantôme ailé de son personnage du passé, le comédien voit son univers se déglinguer plus vite encore que ses projets. La première bonne idée d’Alejandro González Iñárritu fut de faire appel à Michael Keaton pour le rôle principal. Riggan Thomson, le personnage du film, peut être vu comme un double de Keaton qui, après avoir interprété Batman pour Tim Burton, vit sa carrière décliner, jusqu’à presque tomber dans l’oubli. La deuxième fut d’écrire un scénario cérébral et brillant, enlevé comme un Woody Allen, et noir comme une pièce de Raymond Carver, l’auteur que le héros veut d’ailleurs monter. La troisième bonne idée fut de convoquer un casting bigarré, mené par l’épatant Edward Norton en acteur psychotique, secondé par Emma Stone, Naomi Watts et Zach Galifianakis, repêché de Very Bad Trip. La quatrième, c’est le brio de la mise en scène, servie par une image impressionnante, d’ailleurs récompensée. Quatre bonnes idées (plus une masse d’autres que l’on vous laisse découvrir), et autant d’Oscars pour Birdman.

L’autre grande affaire de la semaine, c’est la réédition de La Nuit des Morts Vivants, film bricolé par une bande copains pour à peine plus de 100 000 dollars, qui devint un immense succès et un film clé de la fin des 60’s. Par ses choix radicaux – notamment celui d’un comédien noir dans le rôle principal – son esthétique, guidé aussi par les contraintes financières – un sobre noir et blanc et un maquillage minimal – et son thème – les zombies – qui depuis a fait florès, George Romero inventé un style et influencé le Nouvel Hollywood. Certains critiques ont pu parler de métaphore de la Guerre du Vietnam, mais, sans nier la portée politique du film, l’on retiendra surtout une petite leçon de cinéma, ou comment faire sens (et peur) avec très peu de moyens. Romero remettra plusieurs fois le couvert avec ses morts vivants, mais sans jamais retrouver la « fraîcheur » de ce premier opus. A redécouvrir, surtout que la copie est magnifique.

Quant à l’Enfance de l’Art, elle nous régale avec Porco Rosso, merveille d’animation signée Hayao Miyazaki, précédé du court métrage Le Loup à Poil.
Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Ha