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L'Édito

Six paires de Lumet

L'Édito

Six paires de Lumet

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Vous avez bien compté, ça fait 12 films de Sidney Lumet cette semaine au Grand Action. La vedette est bien sûr A bout de Course, film réalisé en 1988 et qui n’avait pas, à l’époque, connu le succès qu’il mérite. On y découvrait pourtant le talent et le charme d’un jeune comédien, River Phoenix, dont la prometteuse carrière allait être écourtée suite à une prise létale de drogue à 23 ans.

La presse s’est chargée de soutenir ce film. De Télérama au Monde, en passant par les Inrockuptibles, les journalistes spécialisés ont encensé ce Lumet que leurs prédécesseurs avaient boudé 20 ans plus tôt. Il faut dire qu’à l’époque, on ne pouvait deviner qu’A bout de Course serait un film important, charnière disent certains, dans la carrière de son réalisateur. D’abord, il quittait sa chère ville de New York pour filmer l’Amérique profonde. Aussi, il abordait cette histoire de cavale non sous l’angle du thriller (il sait pourtant en faire comme l’atteste sa filmographie) mais sous celui du drame psychologique et familial. Malgré la tension qui pèse et la menace qui plane, le filmage demeure paisible et prend son temps pour laisser vivre les personnages. Encore une rupture avec les codes du genre « runaway movie ». Mais ce film exprime aussi d’autres charnières : il évoque la chute d’une génération qui crut aux utopies des années 60 et devait entrer dans le nouvel ordre du monde de l’Amérique reaganienne. Il marque également le passage de l’enfance à l’âge adulte, période fiévreuse de l’adolescence, très élégamment incarnée par River Phoenix. Mais comment se confronter à la norme familiale quand justement sa famille a refusé la norme commune ? Face à la touchante mais étouffante marginalité de ses parents, le jeune homme rêve d’une certaine normalité. Et d’amour.

Le ressortie d’A bout de Course, due à l’excellente société de distribution Splendor-Films, nous a donné l’idée de vous proposer quelques uns des opus qui ont marqué la longue carrière de Sidney Lumet, l’un des derniers monstres sacrés du cinéma américain. Venu de la télévision, Lumet réussit son premier grand coup grâce à Henri Fonda qui l’imposa pour filmer les Douze Hommes en Colère. Fin directeur d’acteurs, Lumet sut toujours convaincre les meilleurs. Ainsi, Al Pacino, flic dans Serpico et truand minable un Après-Midi de Chien, Marlon Brando dans L’Homme à la Peau de Serpent, Anne Bancroft, merveilleusement touchante dans À la Recherche de Garbo, ou même Sean Connery, chef cambrioleur du Gang Anderson, doivent à Lumet des rôles qui marquèrent les esprits. Mais Lumet ne cède pas toujours aux sirènes de la notoriété et préfère parfois le contre-pied. Ainsi, il donna le premier rôle du Prince de New York à Treat Williams, un acteur majoritairement télévisuel, et fit tourner Vin Diesel, spécialiste des fast and furious, dans Jugez moi Coupable. De même qu’il choisit Christine Lahti et Judd Hirsch pour incarner les parents fuyards d’A Bout de Course, Lumet n’hésite pas à donner de premiers rôles à des habitués des seconds, fussent-ils excellents. Ainsi, on retrouve Andy Garcia tête d’affiche de Dans l’Ombre de Manhattan, Michael Caine vedette de Piège Mortel, et Philip Seymour Hoffman dominant la distribution de 7h58 ce Samedi-là.

La semaine prochaine, un autre festival viendra bousculer nos Lumet. Dans Hollywood vu par Hollywood, nous verrons comment de réalisateurs ont filmé, avec acidité, fascination ou méchanceté, leur outil de travail : la machine des grands studios.
Mais avant, il y a les séances de l’Enfance de l’Art, mercredi, samedi et dimanche à 14h. Ce sera Ivanhoé, filmé avec souffle et lyrisme par Richard Thorpe.

Bonne semaine

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action