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L'Édito

Mumble quoi ?

L'Édito

Mumble quoi ?

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Mumblecore ! C’est ce courant hyper pointu du cinéma américain hyper indépendant et hyper contemporain qui domine cette semaine. Mené par Computer Chess, le quatrième film d’Andrew Bujalski, notre Cycle Mumblecore vous propose d’explorer un cinéma loin des recettes et des grands circuits. Néanmoins, on peut voir dans Computer Chess des références à Kubrick. Ça tombe bien puisque, mardi soir, le grand Stanley est l’invité du Ciné-Club Positif du mois avec Les Sentiers de la Gloire, film de circonstance en ce centenaire de Grande Guerre. Par ailleurs et pour ne pas perdre les bonnes habitudes, The Canyons de Schrader, The Grand Budapest Hotel, d’Anderson, Le Loup de Wall Street, de Scorsese, et L’Étrange Couleur des Larmes de ton Corps, d’Hélène Cattet et Bruno Forzani, restent à l’affiche.
La guerre en général, et celle de 14-18 en particulier, ont inspiré pas mal de chefs d’oeuvres. Qui souvent parlent de bien autre chose que du conflit lui-même. Dans Les Sentiers de la Gloire, Stanley Kubrick adapte (avec la collaboration de Jim Thompson) le livre d’Humphrey Cobb, qui dénonce la monstrueuse inanité de la hiérarchie militaire, la stupidité, le cynisme et l’absence d’humanité de quelques badernes engalonnés. Kirk Gouglas, également producteur du film, incarne le Capitaine Courage qui s’insurge aussi héroiquement que vainement contre l’innommable. Un immense film que le Ciné-Club Positif nous propose mardi à 20h, et sur lequel Yann Tobin, rédacteur à la revue, nous donnera une lecture éclairée.

Avant d’entrer dans le cœur du Mumblecore, signalons une autre séance commentée, principalement à destination du jeune public. Samedi à 16h, Yves Fostier, grand spécialiste de la marionnette devenue petit garçon, viendra nous présenter le merveilleux Pinocchio de Luigi Comencini. La projection sera suivie d’un goûter, et que notre nez s’allonge si c’est un mensonge.
Andrew Bujalski est incontestablement le pionnier du Mumblecore, cette façon minimaliste et intimiste de filmer que des réalisateurs (principalement New Yorkais) ont inventé au début du siècle. Son Funny Ha Ha, réalisé en 2002 avec les moyens du bord et beaucoup d’énergie, est considéré comme le manifeste du genre, qui peut se résumer par une formule assez simple : DIY, soit « Do it yourself ». Théo Ribeton, critique aux Inrockuptibles, nous le confirmera mercredi à 20h lors de sa présentation de Funny Ha Ha, où la caméra de Bujalski suit une jeune chômeuse qui cherche plus l’amour que le boulot. Les fans ne manqueront pas de noter que, à 22h, Théo introduira une seconde projection, celle de Computer Chess, vedette du cycle et vrai film de geeks à l’ironie piquante. Avec des faux-airs de documentaire tourné avec des caméras d’époque, Computer Chess évoque un tournoi d’échec des années 80, où les premiers programmeurs tentent de construire une machine plus forte que les joueurs humains. Vendredi, suite des causeries « mumblecoriennes » avec Gaspard Nectoux, critique aux Cahiers du Cinéma. Il interviendra à 19h45 lors de la projection du deuxième film de Bujalski, Mutual Appreciation, l’histoire d’un musicien qui tente sa chance à New York et tombe amoureux de la fiancée de son pote, et restera avec nous jusqu’à 22h pour la présentation de la séance de Computer Chess. La genèse du terme mumblecore sera sans doute évoquée puisqu’il fut inventé lors de l’édition 2005 du festival South By Southwest d’Austin, où Bujalski présentait Mutual Appreciation. Mais ce dérivé de « to mumble » (marmonner) ne plait pas toujours aux intéressés, qui se réfèrent plutôt à la Nouvelle Vague ou aux débuts de Cassavetes… Nos lecteurs les plus attentifs auront noté que le troisième film de Bujalski – Beeswax – n’est pas à l’affiche cette semaine. Il le sera la prochaine. En revanche, dès mercredi, vous allez pouvoir faire une cure de mumblecore. Noah Baumach est le réalisateur le plus accessible de cette école. Dans Greenberg, il embarque le toujours épatant et populaire Ben Stiller, et, avec Frances Ha, la charmante balade d’une chorégraphe new yorkaise, il parvient à toucher le presque grand public. Car il est bon de souligner que, bien que fauchés, bavards et cérébraux, les films mumblecore peuvent être aussi très drôles. Ainsi, on rit vraiment devant Cyrus, de Jay et Mark Duplass, ou en regardant les deux comédies de Lynn Shelton, Ma Meilleure Amie, sa Sœur et Moi et Humpday, où deux potes hétéros projettent de tourner un porno gay (pour info, Yvan Attal fera un remake de HumpdayDo Not Disturb, en 2012). On pourra encore découvrir The Pleasure of Being Robbed, de Josh et Ben Safdie, où une kleptomane vole aussi des baisers, et Lenny and the Kid, des mêmes, qui évoque les difficultés de la paternité moderne. Deux films d’Alex Ross Perry complètent ce cycle : The Color Wheel, un road movie fraternel et I Want you Love, un gay movie plutôt cru et d’ailleurs interdit aux moins de 16 ans. 

Non sans vous rappeler que nos précédents succès conservent quelques séances (voir en début de lettre), terminons avec les plus jeunes auxquels l’Enfance de l’Art propose l’Afrique enchantée de Kirikou et la Sorcière, signé Michel Ocelot. 
Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action