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L'Édito

Il était une fois…

L'Édito

Il était une fois…

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Toutes les histoires commencent ainsi. Que ce soit celle du Silence et des Ombres, de Robert Mulligan « il était une fois un avocat courageux qui devait défendre un Noir accusé de viol », ou celle d’Il Etait une Fois dans l‘Ouest, monument du western spaghetti de Sergio Leone que nous ressortons cette semaine sur une flamboyante copie neuve.
Tout est ensuite affaire de tonalité, de regard et de choix du réalisateur. Dans Du Silence et des Ombres, Mulligan nous fait entrer dans le récit par le point de vue des enfants de l’avocat : en venant soutenir leur père face aux lyncheurs, ou en l’épiant au tribunal alors qu’il fait face aux fausses accusations. Inspiré d’un livre de Harper Lee, culte aux USA, To Kill a Mockingbird est le titre original qui fait référence à un proverbe : « c’est un péché de tuer un oiseau moqueur », symbole de pureté. Ce film n’était pas visible en France depuis des années. Merci donc au distributeur Lost Films de nous donner l’occasion de vous le faire découvrir. Plaidoyer contre le racisme et l’injustice, c’est aussi une fable morale qui joue avec les peurs enfantines et peut évoquer la Nuit du Chasseur. Outre la qualité de la mise en scène et l’interprétation très touchante de Gregory Peck, impérial d’humanité, Du Silence et des Ombres est aussi une peinture de l’Amérique en crise à travers la vie rurale de l’Alabama des années 30. Les tensions ségrégationnistes existaient encore quand, 30 ans plus tard, Mulligan réalisa son film, produit par son copain Pakula. Et la petite voix humaine qui se dégage du Du Silence et des Ombres explique le retentissement qu’il a pu avoir lors de sa sortie, où il fut distingué par 3 Oscars.

Ce succès, Sergio Leone ne l’a pas connu immédiatement en 1968 lors de la sortie d’Il Était une Fois dans l’Ouest. Pourtant, ce grand casseur de code du western avait déjà rencontré le public grâce à sa trilogie des dollars, clôturée par Le Bon, la Brute et le Truand. Comment expliquer que les spectateurs américains (en Europe, le film cartonna) aient boudé ce qui est aujourd’hui considéré comme un chef d’œuvre universel ? Plusieurs raisons à cela : d’abord le style Leone, avec ses cadres improbables, ses inserts inattendus et la longueur de ses plans. Dans Il Etait une Fois dans l’Ouest, il poussa ses procédés encore plus loin, en imposant l’une des plus longues séquences d’ouverture muettes de l’histoire du cinéma. Magnifique. Ensuite, le choix de Henri Fonda pour interpréter le méchant de l’histoire – un vrai méchant qui tue même les enfants – passa mal auprès des fans de l’acteur qui, comme Gregory Peck d’ailleurs, était plus habitué à jouer les bons sujets. Pourtant, plus de 40 ans après sa sortie, ce film fait partie du gotha de la cinéphilie. Autant, sinon plus, de bonnes raisons pour expliquer cela : le style Leone d’abord (voir plus haut) et aussi une utilisation novatrice du son au cinéma. De la musique d’abord, signée Ennio Morricone bien sûr, avec l’harmonica saturé de Charles Bronson, les riffs de guitare ou les néo ragtimes qui ponctuent l’apparition des personnages. Et puis aussi des coups de pistolet qui, chez Leone, font d’autant plus de bruit qu’ils sont encadrés, par un silence assourdissant.
Pour ces deux films, nos grandes rééditions de l’été, des copies neuves ont été tirées. Celle du Silence respecte le délicat noir et blanc d’origine. Quand à celle de Il Etait une Fois, on ne sait pas ce que le labo a mis dans les bains de révélateur, mais c’était sans doute une sorte de potion magique photosensible. Ce tirage est tout simplement époustouflant. C’est suffisamment rare pour être relevé.

Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action