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L'Édito

Hugo et David.

L'Édito

Hugo et David.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Hugo, c’est bien sûr Hugo Cabret, le merveilleux cadeau en 3D que nous livre Martin Scorsese, pourtant plus coutumier des règlements de comptes maffieux que des contes de Noël. Mais, pour son premier essai en la matière, il va bien au delà de l’historiette, et ce avec brio. David, c’est Cronenberg, dont La Mouche, sur copie neuve, volette de façon inquiétante au dessus du Grand Action. L’un de ses plus fidèles partenaires viendra exceptionnellement nous raconter sa lumière cette semaine. Peter Suschitzky, immense chef opérateur qui éclaire tous les films de Cronenberg depuis 1988 et Faux-Semblant (donc juste après la Mouche pour ceux qui suivent), présentera la séance de A History of Violence, dimanche à 17h. Ne ratez pas cette occasion de voir ou revoir ce formidable film de Cronenberg, ni de débattre avec l’un des plus grands techniciens du cinéma contemporain. Fils et père de chef opérateur, Suschitzky est auteur, entre autres, de lumière pour John Boorman (Leo the Last), Tim Burton (Mars Attacks), le célèbre Rocky Horror Picture Show, film culte des 70’s et de l’Empire contre-attaque – Star Wars: Episode V. Nous pourrons échanger avec lui en français, puisqu’il a étudié à l’IDHEC, l’ancêtre de la Fémis.

Si vous n’avez pas entendu parler d’Hugo Cabret, c’est que vous ne vous intéressez pas au cinéma. Donc logiquement, vous ne devriez pas recevoir ce courriel. Un film de Scorsese, le plus cinéphile des cinéastes, est toujours un événement. Surtout lorsque, sortant de ses sentiers battus italo-américains, Martin s’aventure sur des terrae incognitae. Pour cette incursion dans le monde de l’enfance, il réussit un coup de maître. Visuellement d’abord, en réalisant un merveilleux conte dans le Paris des années 30. La perfection plastique de la reconstitution en 3D est sublimée par notre système Panavision, unique en France et reconnu comme étant le plus performant des procédés de projection relief. Scorsese ne dirige pas sa caméra au hasard. Il a réfléchi sur la 3D avant de nous plonger dans son univers ; c’est le sens du stupéfiant premier plan du film. Narrativement, il s’est appuyé sur un best seller de Brian Selznick, adapté par John Logan, grand dramaturge et scénariste qui avait déjà écrit Aviator. Donc, ça assure. Mais c’est pédagogiquement que le film est le plus intéressant. Car le vrai héros d’Hugo Cabret, c’est le cinéma. Il est incarné par un vieux marchand de jouets acariâtre, réfugié dans une gare et exaspéré par un petit Gavroche (prénommé naturellement Hugo), qui règle les horloges en espérant échapper au chef de la station. Ce vieux monsieur, le magnifique Ben Kinsley, c’est Georges Méliès, ruiné et oublié. Le rêve et l’énergie d’Hugo Cabret vont le sortir de son enfer amer, et de renouer avec sa gloire perdue. Alors que, dans la fiction, le monde redécouvre Méliès, le jeune public découvrira ce formidable magicien, grand inventeur d’images animées et pionnier de la féérie au cinéma. Les reconstitutions des tournages dans son studio de Montreuil sont tout simplement extraordinaires. Et le relief, dernier avatar (sans jeu de mot) de la magie au cinéma, fait renaître celle de Méliès. Bref, du grand spectacle intelligent, et on en reparlera.

Car il faut bien aussi évoquer le reste de notre programme, à commencer par le cycle David Cronenberg, qui accompagne la ressortie de La Mouche, où un simple insecte fait basculer une expérience scientifique dans le cauchemar. Vous pourrez donc revoir quelques films dérangés de ce virtuose de l’étrange. Dans eXistenZ, l’homme et la machine sont intimement reliés pour mieux jouer. Dans Faux Semblant, deux jumeaux poussent jusqu’à la folie leur gémellité. Dans M. Butterfly, un homme tombe amoureux d’une femme qui est un homme et, dans Spider, nous entrons dans la tête d’un schizophrène. Viggo Mortensen, tête d’affiche de A History of Violence, déjà cité, incarne un autre tueur dans Les Promesses de l’Ombre ; deux preuves que Cronenberg, même sans aller dans le total bizarre, est un grand réalisateur, toujours dérangeant.

Outre Deep End, de Skolimowski, qui refuse de nous quitter, et Jason et les Argonautes, de Don Chaffey, proposé par l’Enfance de l’Art, signalons avant de conclure une séance spéciale. Et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit, samedi à 14h, de voir la copie numérique toute neuve de Il Giovedi, un grand film sur l’enfance de Dino Risi. Mais a t-il réalisé de petits films ?
Belle semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action