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L'Édito

Grand écart

L'Édito

Grand écart

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Au Grand Action, quand il s’agit de grand cinéma nous n’avons pas peur des grands écarts. Ainsi nous irons de la nouveauté de la semaine, Le Congrès, trip philosophico-futuriste d’Ari Folman, au Ciné-Club Positif du mois, qui célèbre le néo-réalisme italien avec Païsa de Roberto Rossellini. Nous passerons par les névrosés new-yorkais du cycle John Cassavetes aux samouraïs de celui d’Akira Kurosawa. Et nous célèbrerons avec la même ferveur le glamour du Great Gatsby, la cinglerie sanglante de Django Unchained, et le « ého-ého, on rentre du boulot » de Blanche Neige et les Sept Nains, vus par David Hand pour Disney en 1937. Si ça ce n’est pas de l’éclectisme, alors…

Débutons par la fin de la semaine avec le Ciné-Club Positif qui se tiendra mardi 23 juillet à 20h, en présence d’Eithne O’Neill, éminente critique à la revue. Notre amie positive Irlandaise a choisi de débattre autour du néo-réalisme italien et de Païsa. Dans l’immédiat après-guerre, certains cinéastes italiens, en se libérant du fascisme, se libérèrent aussi des conventions de leur art. Finis la narration classique et l’académisme du filmage : retour à la pureté de la mise en scène, à la simplicité des décors et de la lumière naturels, et au regard sur des gens ordinaires. Des choix philosophiques et esthétiques qui correspondaient aussi à la précarité d’un pays vaincu. Jonglant avec les moyens du bord, ces réalisateurs inventèrent ainsi un style unique qui devait influencer profondément la future Nouvelle Vague. Rosselini, avec Rome, Ville Ouverte, signa le manifeste de ce courant majeur de la cinéphilie. De Sica et De Santis lui emboîtèrent le pas, mais le grand Roberto reste le grand meneur du courant. En une décennie, il va signer quelques films qui marqueront l’histoire du cinéma. Parmi eux, Païsa, composé de six récits sur la libération de l’Italie par les Alliés. Bien qu’aucune indication ne le précise, les courts-métrages, tous interprétés par des amateurs, arrivent dans l’ordre chronologique, et l’on suit la progression des Américains, de 1943 à 1945, de la Sicile à la Romagne (Nord de Rome). La suite du commentaire mardi soir avec Eithne.

On se souvient avec émotion de Valse avec Bachir, l’incroyable documentaire d’animation autobiographique où Ari Folman évoquait sa guerre du Liban. Ce succès mondial couronné de tout un tas de prix (César, Oscar, Bafta, Golden Globe…) a ouvert les portes d’Hollywood à son réalisateur. Avec malice et un art consommé du contrepied, il en a détourné les codes pour imaginer Le Congrès. La magnifique Robin Wright, star sur le point d’être vieillissante (déjà !) dans son propre rôle, accepte de se faire scanner sous toutes les coutures pour que son avatar en 3D puisse jouer tous les personnages, y compris dans les films les plus commerciaux. Après une première partie brillantissime en prises de vue réelles (avec Harvey Keitel, formidable), Folman nous entraine dans un délire psychédélique. Cette plongée vertigineuse dans un univers dessiné et coloré peut perturber, mais court vers un but : démonter un système. C’est assez étonnant, et nous sommes très heureux de donner une seconde chance à ce film sorti au début du mois.

Nous vous avions promis la semaine dernière de vous raconter la suite de la vie d’Akira Kurosawa, dont le cycle se poursuit. Malheureusement, la place va nous manquer et on vous promet que la semaine prochaine, vous n’y couperez pas. En attendant, venez donc voir ou revoir les sept films que nous vous proposons, tous avec le formidable Toshiro Mifune, acteur fétiche de Kurosawa. Vous le retrouverez en voyou qui refuse les soins pourtant attentifs d’un médecin alcoolique dans L’Ange Ivre, en détective errant dans un Chien Enragé, et en riche industriel que la terreur du nucléaire fait fuir dans Vivre dans la Peur. Il est aussi à l’affiche des Salauds dorment en Paix, adaptation contemporaine d’Hamlet, et dans Entre le Ciel et l’Enfer, où il interprète un père qui fait face à l’enlèvement de son fils. Enfin, il revêt son célèbre habit de samouraï dans La Forteresse Cachée et Sanjuro.

Autre cycle, celui consacré à John Cassavetes, immense cinéaste tragique dont on ne lasse pas d’explorer l’œuvre. On reverra donc la discrimination (toujours d’actualité aux USA) dans Shadows et la dérive d’un homme aux abois dans Meurtre d’un Bookmaker Chinois. Et l’on retrouvera toutes les déchirantes histoires de couple que Cassavetes filme au plus près des émotions, braquant sa caméra sur Gena Rowland, sa femme à la ville et souvent à cran à l’écran. Elle vit plus qu’elle ne joue dans Faces, dans Une Femme sous Influence, dans Opening NightGloria et le grandiose Love Streams.

Concluons en répétant que The Great Gatsby, de Jack Clayton et Django Unchained, de Tarantino, sont toujours à l’affiche et que c’est L’Enfance de l’Art qui nous propose le Blanche Neige et les Sept Nains, de Disney.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action